Recommandation N°87-02
Agences matrimoniales

BOCCRF du 13/08/1987

La Commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;

Vu le code civil;

Vu le nouveau code de procédure civile, et notamment ses articles 42 et suivants.

Entendu des représentants des professionnels concernés,

Considérant que les agences matrimoniales proposent différents services aux consommateurs, moyennant rétribution; que ce contrat, dit de  » courtage  » matrimonial a été considéré comme licite à la condition qu’aucune pression, de quelque nature que ce soit, ne soit exercée sur les consommateurs concernés afin qu’ils contractent un mariage, leur consentement devant être totalement libre; que, dès lors, les agences matrimoniales ne sauraient bien évidemment contracter une quelconque obligation de résultat; que, de même, le paiement des sommes dues en vertu du contrat ne doit pas être subordonné à la réalisation du mariage;

Considérant qu’aux termes du contrat de  » courtage  » matrimonial proposé par elle aux consommateurs, l’agence matrimoniale s’engage, moyennant le paiement d’un prix convenu à l’avance, à fournir diverses prestations favorisant la rencontre de deux candidats au mariage ou à une union stable;

Que cette activité qui a pris une importance certaine depuis quelques années ne fait l’objet d’aucune réglementation spécifique; que les droits et obligations des parties sont déterminés uniquement par les dispositions du contrat rédigé par les agences et habituellement proposé par elles aux consommateurs; que ce type de contrat entre bien dans le champ d’application du chapitre IV de la loi du 10 janvier 1978;

Considérant que certains contrats sont imprimés en caractères microscopiques rendant leur lecture sinon impossible, du moins très difficile en raison de la typographie utilisée; que l’on ne saurait, pour justifier une telle pratique, condamnée par la jurisprudence, invoquer des problèmes particuliers de taille des documents, alors surtout que les parties autres que contractuelles, notamment les indications publicitaires ou documentaires de ces mêmes documents, sont, elles, imprimées en caractères très lisibles, et que seules les clauses de portée contractuelle sont en caractères minuscules; que dans d’autres domaines, comme par exemple, en matière de crédit, le législateur n’a pas hésité à imposer les dimensions typographiques minimales exigées du professionnel pour permettre au consommateur de pouvoir lire réellement le contrat qui lui est proposé; qu’une disposition identique, exigeant l’emploi de caractères  » corps 8 « , paraît de nature à rendre plus lisibles les contrats proposés par les agences matrimoniales;

Considérant que certains contrats ne prévoient la signature du consommateur adhérent audit contrat qu’au recto alors que les clauses de ce contrat ne figurent qu’au verso; que de telles pratiques ont également été condamnées par la jurisprudence; qu’il paraît nécessaire d’exiger des agences qu’elles prévoient que la signature du consommateur soit apposée à la fin de l’ensemble des dispositions contractuelles;

Considérant que de nombreux contrats demeurent très imprécis sur les obligations contractées par l’agence matrimoniale, se bornant à énumérer les seules obligations contractées par le consommateur et leurs sanctions; qu’il paraît nécessaire d’exiger de l’agence qu’elle indique à tout le moins les prestations qu’elle se propose de fournir en contrepartie du prix; que, de même, le contrat doit indiquer la durée pour laquelle il est conclu;

Considérant que tout les contrats prévoient le paiement intégral du prix convenu au moment même de la signature et avant que l’agence ait fourni la moindre prestation; que les agences invoquent, pour justifier cette pratique, les risques d’impayés qu’elles rencontreraient à défaut de cette clause; que l’on peut néanmoins tenir compte de ce risque en prévoyant un versement initial, le solde du prix n’étant réglé qu’à mesure de l’exécution de ses obligations par l’agence; que cet échelonnement du paiement du prix à mesure de l’exécution des prestations peut seul garantir au consommateur l’exécution réelle des prestations qui lui sont dues par l’agence;

Considérant que de nombreux contrats prévoient la possibilité d’un paiement à crédit, lequel crédit est consenti par l’agence; que, cependant, aucun des contrats ne respecte les dispositions d’ordre public de la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilier; que la jurisprudence décide que ce texte s’applique bien à ce type de contrat, dès lors que le crédit est consenti pour une durée supérieure à trois mois; que dans tous les cas où l’agence propose un paiement à crédit au consommateur, le contrat qu’elle lui offre de signer devra obligatoirement respecter les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et les textes d’application;

Considérant que la quasi-totalité des contrats prévoient la faculté pour l’agence de résilier le contrat à sa seule volonté, quand bon lui semble, sans avoir besoin d’adresser une mise en demeure préalable au consommateur, et sans avoir à justifier ni même à motiver une telle résolution; qu’une faculté identique n’est bien évidemment pas offerte au consommateur qui reste, lui, tenu par le contrat jusqu’à l’arrivée du terme de celui-ci; que si les clauses résolutoires sont parfaitement valides, les clauses figurant dans les contrats des agences matrimoniales doivent être considérées comme abusives dans la mesure où elles sont totalement arbitraires, unilatérales et pratiquement sans contrôle possible;

Considérant que les clauses résolutoires sont d’ailleurs assorties de clauses pénales prévoyant qu’en cas de résiliation par l’agence, quel qu’en soit le motif, l’intégralité du prix reste acquis à l’agence, et ce, quel que soit le préjudice réellement subi par celle-ci, et l’état des prestations fournies par elle au jour de la rupture; qu’une telle clause permet à la limite à l’agence de résilier le contrat, quelques jours après sa conclusion et l’encaissement du prix, sans avoir à motiver sa décision, et avant d’avoir fourni la moindre prestation en contrepartie du prix payé;

Considérant que si les clauses pénales sont parfaitement valables, celles figurant dans les contrats des agences matrimoniales « en cas de litige » paraissent exagérées et que leur existence même est peu compatible avec l’économie de ce type de contrat; qu’en effet, l’agence percevant la totalité du prix dès la signature du contrat et avant toute prestation, il est difficile de justifier un préjudice motivant ces clauses pénales, souvent lourdes, figurant dans les contrats; que même si les agences pratiquaient un paiement échelonné à mesure des prestations fournies, et compte tenu du versement initial, il en irait de même, la partie du prix versée par le consommateur étant toujours en avance sur les prestations exécutées; que dès lors, les clauses pénales  » en cas de litige  » ne paraissent pas justifiées dans ce type de contrat;

Considérant que de nombreux contrats font attribution de compétence aux tribunaux du siège social de l’agence et même pour certains, aux tribunaux de commerce du siège de l’agence; que ces clauses attributives de compétence dans des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur sont contraires à l’article 48 du N.C.P.C. et doivent être éliminées des contrats,

Recommande:

1° Que les contrats proposés par les professionnels aux consommateurs fassent l’objet d’un écrit lisible et que les caractères typographiques utilisés soient au minimum de corps 8;

2° Que toutes les clauses constituant le contrat précèdent la signature des parties;

3° Que les contrats proposés par les professionnels précisent de manière claire les prestations que l’agence s’engage à exécuter;

4° Que les contrats proposés par les agences matrimoniales précisent la durée pour laquelle ils sont conclus;

5° Que dans tous les contrats proposant au consommateur un paiement échelonné sur une durée supérieure à trois mois, soient respectées les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 sur le crédit mobilier;

6° Que soient éliminées de ces contrats les clauses qui ont pour objet ou pour effet de soumettre la conclusion du contrat au règlement à l’avance d’une fraction excessive du prix;

7° Que soient exclues de ces contrats comme abusives les clauses permettant à l’agence matrimoniale de résilier le contrat à sa seule volonté;

8° Que soient exclues de ces contrats comme abusives les clauses permettant à l’agence, en cas de rupture du contrat, de conserver l’intégralité du prix ou d’en exiger le paiement, quels que soient les préjudices réellement subis, l’état des prestations fournies au jour de la rupture du contrat, et les motifs de celle-ci;

9° Que soient exclues de ces contrats les clauses pénales permettant à l’agence d’exiger une indemnité, quels que soient son préjudice et l’état des prestations fournies par elle, de même que celles fixant une indemnité forfaitaire en cas de litige ou de procédure, quelles que soient la raison et l’issue de ce litige ou de cette procédure;

10° Que soient exclues de ces contrats comme illégales et abusives, les clauses ayant pour objet ou pour effet de déroger aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution.

(Texte adopté le 15 mai 1987 sur le rapport de M. Luc Bihl.)