Cour de justice de l'Union européenne
Une règle nationale qui fait peser les dépens sur le consommateur peut ne pas être conforme à la directive sur les clauses abusives

CJUE, 22 septembre 2022, aff. C-215/21 – Servicios Prescriptor y Medios de Pagos EFC SAU

CJUE, 22 septembre 2022, aff. C-215/21 Servicios Prescriptor y Medios de Pagos EFC SAU 

 

Principe d’effectivité – Dépens – mauvaise foi du professionnel – Constatation en justice du caracère abusif d’une clause 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 6, paragraphe 1, et larticle 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens que : 

ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, dans le cadre d’une procédure juridictionnelle relative à la constatation du caractère abusif d’une clause d’un contrat entre un professionnel et un consommateur, en cas de satisfaction par voie extrajudiciaire de ses prétentions, le consommateur concerné doit supporter ses dépens, sous réserve que le juge saisi tienne impérativement compte de l’éventuelle mauvaise foi du professionnel concerné et, le cas échéant, condamne ce dernier au paiement des dépens relatifs à la procédure juridictionnelle que ce consommateur s’est vu contraint d’engager pour faire valoir les droits que lui confère la directive 93/13. »  

  

ANALYSE   

  

Il revenait à la Cour de déterminer si larticle 6, paragraphe 1, et larticle 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE s’oppose à une réglementation nationale (en l’occurrence le droit espagnol) selon laquelle, en cas de satisfaction par voie de règlement extrajudiciaire quant à la constatation du caractère abusif d’une clause, le consommateur qui s’est vu contraint d’engager une action en justice pour faire valoir ses droits doit supporter les dépens 

 

La Cour rappelle que la protection tirée de la directive 93/13 est appréciée au regard du principe d’équivalence et du principe d’effectivité (pt. 23) tout en préservant l’autonomie procédurale des États membres. 

 

Eu égard au principe d’effectivité, la Cour rappelle qu’une législation nationale ne peut faire peser sur le consommateur les frais procéduraux en fonction des sommes indûment payées qui lui ont été restituées par le professionnel puisqu’un tel régime est susceptible de décourager le consommateur à faire valoir son droit devant les juridictions nationales. ( Voir en ce sens arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 ).
 

La Cour poursuit en condamnant la pratique espagnole, selon laquelle un consommateur, s’il obtient satisfaction en dehors des procédures juridictionnelles, devra toujours supporter les dépens de cette procédure, et cela même si le professionnel est de mauvaise foi, créant ainsi un obstacle substantiel de nature à empêcher le consommateur de profiter de la réglementation issue du droit de l’Union ( pt.41). 

 

Cependant, la CJUE observe que le gouvernement espagnol a indiqué qu’un « critère de correction » (pt. 25) permet au juge de prendre en considération la mauvaise foi éventuelle du professionnel et le cas échant si cela est démontré, de le condamner aux dépens.  

 

Ainsi, la Cour au regard de ces éléments juge cette réglementation espagnole compatible avec le principe d’effectivité et conforme au droit de lUnion.