CJUE, 21 septembre 2023, aff. C139/22– AM et PM c/ mBank S.A.
Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère – Critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause de conversion – Registre national des clauses de conditions générales jugées illicites – Obligation d’information
EXTRAIT
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause d’un contrat, qui, en raison des conditions d’exécution de certaines obligations du consommateur concerné qu’elle prévoit, doit être considérée comme étant abusive, ne peut perdre un tel caractère en raison d’une autre clause de ce contrat qui prévoit la possibilité pour ce consommateur d’exécuter ses obligations dans des conditions différentes.
ANALYSE
À titre liminaire, la Cour rappelle selon une jurisprudence constante, qu’il appartient à la Cour de fournir au juge national des indications dont ce dernier se doit de tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt du 8 décembre 2022, Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest, C600/21, EU :C :2022:970, point 38).
En l’espèce, la deuxième question de la juridiction de renvoi concerne la possibilité de perdre le caractère abusif d’une première clause quand une seconde vient prévoir une possibilité licite d’exécution dans des conditions différentes, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.
La Cour de justice rappelle le principe selon lequel le juge doit évaluer le caractère abusif en tenant compte de l’ensemble du contrat, en se plaçant à la date de la conclusion de celui-ci.
En effet, la décision traite de ce que l’on appelle « l’effet cumulatif des clauses », expression selon laquelle certaines clauses peuvent être abusives en s’accumulant.
En l’espèce, le contrat de prêt présente des clauses similaires à celles répertoriées comme abusives. Toutefois, des clauses alternatives permettent aux consommateurs de rembourser le prêt en francs suisses, constituant ainsi un mode alternatif d’exécution. Ainsi, la Cour constate que ces clauses alternatives ont été jugées abusives car elles laissent à la banque le pouvoir de déterminer librement le taux de change, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Elle affirme que le fait que ce déséquilibre puisse ne pas se produire en raison du choix du consommateur n’a pas d’incidence sur l’appréciation du caractère abusif de ces clauses.
En outre, l’inclusion de deux clauses alternatives, l’une abusive et l’autre licite, dans un contrat avec un consommateur, permet au professionnel de spéculer sur le manque d’information ou l’inattention du consommateur, présentant un caractère potentiellement abusif. La Cour souligne que ne pas constater la nullité d’une clause abusive pourrait compromettre la réalisation de l’objectif à long terme de la directive 93/13, qui vise à mettre fin à l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par des professionnels.
Dans ces conditions, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause abusive ne peut perdre son caractère abusif en raison d’une autre clause offrant des options alternatives d’exécution.