Cour d'appel
Une association qui contracte un prêt destiné à financer des investissements liés à ses activités d’accueil n’a pas la qualité de « non-professionnel »

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 4 MAI 2023, RG n°22-03023

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 4 MAI 2023, RG n°22-03023
– déséquilibre significatif – clause abusive – contrat de prêt – nullité – prescription  

 

EXTRAITS  

 

le fait qu’une personne morale n’ait, par principe, aucun but lucratif, n’est pas exclusif de l’exercice d’une activité professionnelle et l’application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend non point de la personnalité de la personne physique ou morale qui s’engage mais de la destination contractuelle du prêt, fût-elle accessoire, comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass com, 04 novembre 2021, pourvoi n° 20-11099, Cass civ 1ère, 20 mai 2020, pourvoi n° 19-13461, publiés au bulletin). 

Au cas particulier, c’est à juste titre que la société Dexia se prévaut du fait que le contrat de prêt  destiné à financer des investissements de l’emprunteur est intervenu dans le cadre des activités professionnelles d’Arc en ciel et étaye son affirmation en évoquant le procès-verbal du Conseil d’administration d’Arc en ciel du 20 décembre 2007 selon lequel le prêt a pour objet de financer l’acquisition de l’immeuble de l’établissement construit par Nouveau Logis Provençal sur un terrain propriété de l’association, de financer les immobilisations immobilières de l’établissement Grande Linche, de consolider la trésorerie globale de l’association’ 

Par suite, la destination professionnelle de ce contrat de financement exclut l’application au litige du droit de la consommation. » 

 

ANALYSE  

 La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant la société Dexia Crédit Local, ayant consenti à l’association de Parents et Amis d’Enfants Handicapés Chrysalide Arc en ciel un prêt au montant de 3.000.000 euros destiné à financer des investissements liés à ses activités de personnes en situation de handicap. Ce prêt était consenti pour une durée de 19 ans et 11 mois avec différents taux. Ce contrat relatif au remboursement anticipé du prêt possédait un article 9 dans lequel il est indiqué les méthodes de remboursement et stipulait qu’en cas de réponse négative ou à défaut de réponse dans un certain délai, le remboursement anticipé n’aurait pas lieu.

En raison de difficultés financières, l’association Arc en Ciel a procédé à un transfert partiel d’actif à l’Association Régionale pour l’Intégration qui comprenait le contrat de prêt litigieux avec l’accord de la société Dexia. La société. Le 13 février 2013, la société Dexia a été assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre par l’association ARI au motif que le prêt entrait dans la catégorie des emprunts qualifiés de “toxiques” et de ce fait il devait y avoir une annulation du contrat pour manquement de la banque à ses obligations. L’appelante soutenait également que la clause créait un déséquilibre significatif caractérisé par l’avantage disproportionné qu’elle procure à la société Dexia en regard du coût du manque à gagner enregistré à la date de réalisation. Par ordonnance rendue le 30 août 2019, le juge de la mise en état déboute l’association ARI de sa demande de calcul de l’indemnité de remboursement anticipé au motif que la procédure de l’article 9 du contrat de prêt n’a pas été respectée en ce que l’association n’a présenté aucune demande de remboursement.

Par ordonnance du 21 octobre 2020, le juge déboute l’association ARI de sa nouvelle demande de communication des pièces au motif que la demande de remboursement anticipé n’a pas été maintenue au jour de la fixation et condamne l’association ARI au versement d’une indemnité de procédure. Par un jugement contradictoire rendu le 04 février 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré irrecevable car prescrite l’action engagée par l’Association Régional pour l’Intégration. La société ARI fait appel et soutient l’annulation de ce contrat au motif que cette clause doit être qualifiée d’abusive du fait du déséquilibre significatif et que la qualité de non professionnel de l’association Arc en ciel lui permet de bénéficier des dispositions de l’article L132-1 du code de la consommation.

La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 4 mai 2023, confirme les ordonnances rendues en 2019 et en 2020 et rejette la demande de nullité du contrat de prêt fondé sur l’existence d’une clause abusive et déclare donc irrecevable la demande formée par l’association Association Régionale d’Insertion à l’encontre de la société Dexia Crédit Local. Elle considère que l’association ne peut être qualifiée de non-professionnelle. A cet égard, l’article liminaire du code de la consommation définit le non-professionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». 

Se fondant sur la circonstance que le contrat de prêt était destiné à financer des investissements de l’association dans le cadre de ses activités professionnelles, la Cour d’appel en déduit la finalité professionnelle de l’emprunt et écarte par conséquent la qualité de non professionnel. L’association ne peut donc pas bénéficier, sur le fondement du code de la consommation, de la caractérisation du déséquilibre significatif affectant le prêt.