Le Tribunal judiciaire de Paris juge abusives des clauses des conditions générales de « Uber »

TJ Paris, 27 octobre 2020, Uber, N° RG 16/07290

Actions en cessation – clauses de consentement – clause limitative de responsabilité – clause d’acceptation des modifications des conditions générales — clause de choix de loi -clause compromissoire – clause opérant transfert de l’exécution de l’obligation d’information sur l’utilisateur

Le Tribunal relève un certain nombre de clauses illicites dont l’analyse du caractère illicite ne sera pas ici détaillée. Il s’agit d’une part de clauses contraires à la Loi Informatique et Libertés, au code de la propriété intellectuelle et d’autre part de clauses contraires au code de la consommation. Certaines de ces clauses illicites sont considérées comme abusives par le Tribunal et réputées non écrites. Sur le lien entre clauses illicites et abusives : voir rapport annuel d’activité de la Commission pour l’année 2018.

Le Tribunal répute non écrites des clauses présumées abusives de manière irréfragable (1), des clauses présumées abusives (2) et des clauses jugées abusives sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la consommation (3).

1) Clauses présumées abusives de manière irréfragable

RELATION CONTRACTUELLE. Article n° 1 : conditions générales d’utilisation, version du 18 février 2016 :

Contenu de la clause : « En accédant aux Services et en les utilisant, vous acceptez d’être lié(e) par les présentes Conditions qui établissent une relation contractuelle entre vous-même et Uber. Si vous n’acceptez pas les présentes Conditions, vous ne pourrez pas accèdera aux Services ni les utiliser. »

Analyse de la clause : « La clause contestée, qui prévoit que l’inscription et la navigation sur le site vaut acceptation des conditions générales d’utilisation, à un moment où l’utilisateur n’a pas pu avoir accès à celles-ci, est, au sens de l’article R.212 -1/1°) du code de la consommation irréfragablement présumée abusive, en ce qu’elle constate l’adhésion du consommateur à des clauses reprises dans un document, auquel le consommateur n’a pas eu connaissance avant la conclusion du contrat. »

Recommandation en ce sens : Recommandation N°14-02, Contrats de fourniture de services de réseaux sociaux, pt 10

— « Clause n° 14 : RELATION CONTRACTUELLE, Article 1, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : De temps à autre, Uber pourra apporter des modifications aux Conditions applicables aux Services. Les modifications prendront effet dès affichage par Uber, au présent emplacement, des Conditions ainsi mises à jour ou des règles ou conditions supplémentaires modifiées au niveau du Service concerné. En continuant d’accéder aux Services ou de les utiliser après ledit affichage, vous consentez à être lié(e) par les Conditions telles que modifiées.

Analyse de la clause : « En prévoyant que l’accès ou l’utilisation des Services vaut consentement implicite de l’utilisateur aux modifications des Conditions générales, à un moment où il n’a pas pu avoir accès à celles-ci, l’utilisateur n’ayant reçu aucune information préalable, les modifications prenant effet « dès (leur) affichage », la clause n°14 est présumée  abusive de manière irréfragable au sens de l’‘article R. 212-1 du code de la consommation»

Clause n° 2 (n° 9 et n° 14-1) : RELATION CONTRACTUELLE, Article n° 1, Conditions générales d’utilisation du 18 février 2016 :

 Contenu de la clause : « Uber peut résilier immédiatement les présentes Conditions ou tout Service à votre égard ou, d’une manière générale, cesser d’offrir les Services ou toute partie de ces derniers ou en interdire l’accès, et ce à tout moment et pour quelque motif que ce soit. »

Clause n° 9 : RELATION CONTRACTUELLE, Article 1, Conditions Générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : « Uber peut résilier immédiatement les présentes Conditions ou tout Service à votre égard ou, d’une manière générale, cesser d’offrir les Services ou toute partie de ces derniers ou en interdire l’accès, et ce à tout moment et pour quelque motif que ce soit. »

Analyse des clauses n°2 et n°9 : Elles sont  irréfragablement abusives au sens de l’article R.212-1/4°) du code de la consommation, en ce qu’elle ont  pour objet ou pour effet d’accorder au seul professionnel le droit de déterminer si les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat. (…) »

Elles sont également présumées abusives de manière irréfragable car elle ont pour objet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations, au sens de l’article R.212-1/6°) du code de la consommation

Clause n° 10 : COMPTE D’UTILISATEUR : Article 3, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause « À défaut d’informations exactes, complètes et à jour au niveau de votre Compte, incluant en cela l’indication d’une méthode de paiement invalide ou ayant expiré, vous pourriez ne plus être en mesure d’accéder aux Services et de les utiliser ou Uber pourrait résilier le présent Contrat conclu avec vous. »

Analyse de la clause : Le TJ se réfère à l’analyse qu’il  a suivie lors de l’examen de la clause n°2, aux termes duquel : « elle est (…) présumée abusive de manière irréfragable car elle a pour objet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations, au sens de l’article R.212-1/6°) du code de la consommation et sera par conséquent réputée non écrite. »

 Clause n° 3 : LES SERVICES, Article 2 §1) », Conditions Générales du 18 février 2016″ :

 Contenu de la clause : « Vous reconnaissez qu’Uber ne fournit pas de services de transport ou logistiques et qu’elle n’agit pas en qualité de transporteur et que l’ensemble desdits services de transport ou de services logistiques sont fournis par des prestataires tiers indépendants qui ne sont pas employés par Uber ou l’un ou l’autre de ses affiliés. »

Analyse de la clause : « La clause a (..) pur effet d’écarter la responsabilité du professionnel dans tous les cas de dysfonctionnement des prestations fournies au consommateur. Elle est donc illicite au regard de l’article L. 211-15 du code de la consommation. Elle est également présumée irréfragablement abusive au sens des dispositions l’article R.212-1/6°) du code de la consommation, en ce qu’elle supprime le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations. »

Clause n° 6 : EXCLUSION – LIMITE DE RESPONSABILITÉ – INDEMNISATION – EXCLUSION, Article 5 Conditions générales du 18 février 2016 :

 Contenu de la clause : « Les services sont fournis  » tels quels  » et  » selon disponibilité « . Uber décline toute attestation et garantie, expresse, tacite ou prévue par la loi, non expressément énoncée aux présentes conditions, y compris les garanties tacites de qualité marchande, d’adéquation à une finalité particulière et d’absence de contrefaçon. De plus, Uber ne livre aucune attestation, garantie ou assurance concernant la fiabilité, la ponctualité, la qualité, le caractère adéquat ou la disponibilité des services ou de tout bien ou service sollicité en utilisant les services, ou que le fonctionnement des services se fera sans interruptions ou erreurs. Uber ne garantit pas la qualité, le caractère adéquat, la sécurité ou la capacité des prestataires tiers. Vous acceptez que les risques découlant de l’utilisation que vous faites des services et de tout bien ou service sollicité en lien avec ces derniers, vous appartiennent intégralement et n’appartiennent qu’à vous seul(e), dans la mesure la plus large consentie par la loi applicable. »

Analyse de la clause : « La clause n° 6 impute toute responsabilité à l’utilisateur du fait de l’utilisation des services de la plate-forme (cf. « vous acceptez que les risques découlant que vous faites des services (…) ») et recourt, s’agissant de la loi applicable à cette responsabilité, à une formulation tout à la fois à la fois incompréhensible (cf. « dans la mesure la plus large consentie par la loi applicable »), et ambiguë car elle entre en contradiction d’une part avec la clause n° 7, laquelle affirme au contraire que les « limites et les exclusions du présent article 5 (incluant les clauses n° 6 et 7 critiquées) ne prétendent pas limiter la responsabilité ou modifier tout droit vous revenant en qualité de consommateur qui ne saurait être exclu au regard de la loi applicable », et d’autre part avec la clause n° 16 (« LÉGISLATION APPLICABLE ; ARBITRAGE »), dont la lecture apprendra incidemment à l’utilisateur que la seule législation applicable au contrat qu’il a souscrit est celle des Pays-Bas.

En conséquence, l’absence de clarté, le caractère ambigu et équivoque de la clause n° 6, confèrent à la société UBER un droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat dans un sens qui lui serait favorable.

Elle est donc abusive au sens de l’article R.212-1/4°) du code de la consommation. »

« Elle est également irréfragablement présumée abusive au sens des dispositions de l’article R.212-1/6°) du code de la consommation, en ce qu’elle a pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur, en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations. »

Clause n° 7 : EXCLUSION – LIMITE DE RESPONSABILITÉ – INDEMNISATION – LIMITE DE RESPONSABILITÉ, Article 5, Conditions générales du 18 février 2016

Contenu de la clause : Par cette clause, Uber n’est pas responsable de certains dommages « liés ou se rapportant à toute utilisation des services ou, quoi qu’il en soit, en découlant, même si Uber a été informée de la possibilité de tels dommages ». La société n’est pas non plus responsable des retards ou inexécutions qui « seraient dus à des causes échappant au contrôle d’Uber ». Enfin, Uber n’engage pas sa responsabilité et ne répond, à l’égard du consommateur, « d’aucun transport, bien ou logistique fourni par des prestataires tiers, en dehors de ce qui a été expressément énoncé aux présentes ».

Analyse de la clause : « En utilisant un vocabulaire imprécis et inadapté à propos des dommages exclus de la responsabilité de la société (« indirects », « accessoires », « particuliers », « exemplaires », « punitifs » ou « consécutifs »), d’expressions inadéquates (« contrôle raisonnable »), en affirmant à la fois que la société UBER n’encourt aucune responsabilité à l’égard de l’utilisateur qui demeure l’unique responsable des dommages causés par l’utilisation des services, tout en affirmant que les Conditions générales sont respectueuses de la loi applicable au consommateur, la clause, contradictoire et ambiguë, ne permet pas au consommateur d’appréhender les droits dont il dispose pour mettre en jeu la responsabilité de la société UBER, qui s’octroie de ce fait un droit d’interprétation unilatéral qui lui permet d’éluder sa responsabilité à l’égard de l’utilisateur.

La clause est donc abusive au sens de l’article R.212-1/4°) du code de la consommation et sera réputée non écrite de ce chef. »

Clause n° 8 : INDEMNISATION, Article 5, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : « Vous acceptez d’indemniser et de mettre hors de cause Uber ainsi que ses administrateurs, dirigeants, employés et mandataires contre l’ensemble et chacune des actions, demandes, pertes, responsabilités et dépenses (incluant en cela les honoraires d’avocats) liées ou se rapportant à : (i) l’utilisation que vous faites des Services ou des biens ou services obtenus par votre utilisation des Services ; (ii) un manquement ou une violation de votre part de l’une ou l’autre des présentes Conditions ; (iii) l’utilisation par Uber de votre Contenu d’utilisateur ; ou (iv) une violation de votre part des droits de toute tierce partie, y compris les Prestataires tiers. »

Analyse de la clause : « En affirmant que la responsabilité sera supportée uniquement par l’utilisateur, en exonérant en conséquence totalement le professionnel fournisseur de prestation de services à distance, la clause n° 8 est irréfragablement présumée abusive au regard de l’article R.212-1/6°) du code de la consommation, en ce qu’elle a pour effet d’exonérer le professionnel de son éventuelle responsabilité et de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une de ses obligations. »

Clause n° 11 : CONTENU FOURNI PAR L’UTILISATEUR, Article 3, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : « Uber peut, mais sans y être obligée, revoir, surveiller ou supprimer du Contenu d’utilisateur, à la discrétion entière d’Uber et à tout moment et pour quelque raison que ce soit, sans vous en avertir. »

Clause n° 12 : VOTRE UTILISATION DES SERVICES – CONTENU FOURNI PAR L’UTILISATEUR, Article 3, Conditions générales du 18 février 2016.

 Contenu de la clause : « Vous convenez de ne pas fournir de Contenu d’utilisateur qui soit diffamatoire, qui contienne des écrits calomnieux, qui incite à la haine, à la violence, qui soit obscène, pornographique, illégal ou, en tout état de cause, offensant, ainsi que jugé par Uber à son entière discrétion. »

Analyse des clauses : « L’analyse combinée des clauses n° 11 et 12 révèle que l’exercice de la faculté de suppression de contenu qu’elles confèrent à la société UBER n’est pas circonscrit aux seules causes et circonstances qu’elles évoquent, puisque la seconde clause attribue le pouvoir d’interdire à l’utilisateur de soumettre (à la société UBER) un « Contenu » d’utilisateur quelle jugerait, « à son entière discrétion », diffamatoire ou contenant des écrits calomnieux, incitant à la haine, à la violence ou qui soit obscène, pornographique, illégal ou offensant, tandis que la première clause réserve à la société UBER le droit de « supprimer (le) Contenu d’utilisateur », « sans y être obligée » « à son entière discrétion, à tout moment et pour quelque raison que ce soit », et ce, sans avertir l’utilisateur.

De sorte que la société UBER, qui confond dans ses écritures l’obligation légale faite à l’hébergeur de supprimer le contenu illicite, « dès qu’il en est averti » (article 6.1.2 de la L.C.E.N.) et la faculté conventionnelle unilatérale de suppression du contenu de l’utilisateur qu’elle s’attribue dans les clauses critiquées « dès qu’elle le juge à son entière discrétion », ne peut soutenir que les clauses n° 11 et 12 précitées échappent au champ d’application de l’article R.212-1/4°) du code de la consommation, qui présume abusives de manière irréfragable les clauses ayant pour objet ou pour effet de conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat. »

« En prévoyant de supprimer du contenu d’utilisateur, à la discrétion entière d’UBER, à tout moment et pour quelque raison que ce soit, sans en avertir l’utilisateur les clauses n° 11 et 12 sont abusives au sens de l’article R.212-1/4°) du code de la consommation. Elles seront réputées non écrites de ce chef.

Clause n° 17 : MODIFICATIONS DE LA DÉCLARATION – Déclaration de Confidentialité du 15 juillet 2015.

Contenu de la clause : « Nous pouvons modifier de temps à autre la présente Déclaration. Si nous modifions de manière significative la façon dont nous traitons vos données personnelles, ou la présente Déclaration, nous vous en informerons via les Services ou par tout autre moyen, tel qu’un e-mail.

Le fait que vous continuiez à utiliser les Services après cet avis vaudra acceptation de votre part des changements concernés. Nous vous invitons à consulter régulièrement la présente Déclaration pour prendre connaissance des dernières informations concernant nos pratiques en matière de protection de la vie privée. »

Analyse de la clause : « À son tour, la clause n° 17 de la Déclaration de confidentialité, qui fait écho à la clause n° 15 des Conditions générales précédemment examinée par le Tribunal, confère à la société UBER la faculté de modifier unilatéralement le contrat. Cette clause est appliquée cette fois à la Déclaration de confidentialité, sans information préalable de l’utilisateur. La société défenderesse reste seule juge du caractère substantiel ou non de la modification et par suite de l’opportunité d’une telle notification.

C’est ainsi qu’elle prévoit, dans l’unique hypothèse d’une modification de la « Déclaration de confidentialité », que la société UBER estimerait « significative » la notification à l’utilisateur de ladite modification, l’utilisateur n’étant informé que dans cette seule circonstance. Aucune notification n’est prévue en cas de modification arbitrée comme non « significative » par la société UBER.

En conséquence, la clause n° 17 est abusive au sens de l’article R.212-1/3°) du code de la consommation précité. Elle sera donc réputée non écrite. »

« En présumant le consentement implicite de l’utilisateur du fait de son utilisation ultérieure des Services, la clause critiquée a pour objet ou pour effet de constater l’adhésion du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n’est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n’a pas eu connaissance avant sa conclusion.

La clause n° 17 est donc abusive au sens de l’article R.212-1/1°) du code de la consommation et sera réputée non écrite de ce chef.

Clause n° 18 : PAIEMENT, Article 4, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause :Par cette clause, l’utilisateur reconnaît, entre autres, « que l’utilisation des Services peut [lui] occasionner [certains] frais » (au titre de biens ou de services qu’il reçoit d’un prestataire tiers). Ces frais sont alors « définitifs et ne donnent pas lieu à remboursement, à moins qu’Uber n’en décide autrement ».

Analyse de la clause : « En prévoyant que les « Frais » dont l’utilisateur s’acquitte « sont définitifs et ne donnent pas lieu à remboursement, à moins qu’Uber n’en décide autrement », la clause est (…) abusive en ce qu’elle a pour objet de supprimer le droit à réparation en cas de manquement de la société UBER à l’une quelconque de ses obligations. Elle est donc abusive au sens de l’article R.212-1/6°) du code de la consommation. »

2) Clauses présumées abusives

Clause n° 16 : DROIT APPLICABLE – ARBITRAGE, Article 6, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : « […] Tout litige, conflit, demande ou controverse […] sera, tout d’abord, obligatoirement soumis à la procédure de règlement amiable des différends prévue par le Règlement de médiation de la Chambre de commerce internationale (le  » Règlement de médiation de la CCI « ). Si ledit Litige n’est pas réglé dans les soixante (60) jours qui suivent une demande de règlement amiable […], ledit Litige pourra être déféré et sera exclusivement et définitivement tranché par voie d’arbitrage [] »

Analyse de la clause : La clause n° 16, entravant l’exercice de l’action en justice de l’utilisateur et supprimant l’accès au juge, est abusive au sens de l’article R. 212-2/10°) du code de la consommation précitée. Elle sera donc réputée non écrite

3) Clauses jugées abusives sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la consommation

 « Clause n° 6 : EXCLUSION – LIMITE DE RESPONSABILTE – INDEMNISATION – EXCLUSION, Article 5 Conditions générales du 18 février 2016 :

Contenu de la clause  LES SERVICES SONT FOURNIS  » TELS QUELS  » ET  » SELON DISPONIBILITÉ « . UBER DÉCLINE TOUTE ATTESTATION ET GARANTIE, EXPRESSE, TACITE OU PRÉVUE PAR LA LOI, NON EXPRESSÉMENT ÉNONCÉE AUX PRÉSENTES CONDITIONS, Y COMPRIS LES GARANTIES TACITES DE QUALITÉ MARCHANDE, D’ADÉQUATION À UNE FINALITÉ PARTICULIÈRE ET D’ABSENCE DE CONTREFAÇON. DE PLUS, UBER NE LIVRE AUCUNE ATTESTATION, GARANTIE OU ASSURANCE CONCERNANT LA FIABILITÉ, LA PONCTUALITÉ, LA QUALITÉ, LE CARACTÈRE ADÉQUAT OU LA DISPONIBILITÉ DES SERVICES OU DE TOUT BIEN OU SERVICE SOLLICITÉ EN UTILISANT LES SERVICES, OU QUE LE FONCTIONNEMENT DES SERVICES SE FERA SANS INTERRUPTIONS OU ERREURS. UBER NE GARANTIT PAS LA QUALITÉ, LE CARACTÈRE ADÉQUAT, LA SÉCURITÉ OU LA CAPACITÉ DES PRESTATAIRES TIERS. VOUS ACCEPTEZ QUE LES RISQUES DÉCOULANT DE L’UTILISATION QUE VOUS FAITES DES SERVICES ET DE TOUT BIEN OU SERVICE SOLLICITÉ EN LIEN AVEC CES DERNIERS, VOUS APPARTIENNENT INTÉGRALEMENT ET N’APPARTIENNENT QU’À VOUS SEUL(E), DANS LA MESURE LA PLUS LARGE CONSENTIE PAR LA LOI APPLICABLE. »

Analyse de la clause : Au vu de ce qui précède, en s’exonérant de la responsabilité de plein droit qu’elle encourt du fait de l’exécution de la prestation de transport par les chauffeurs, l’utilisateur restant tenu d’exécuter l’ensemble des obligations stipulées à sa charge au risque de se voir sanctionner par la société UBER {…}, la clause n° 6 est abusive au sens de L.212-1 du code de la consommation, en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs.

— « Clause n° 7 : EXCLUSION – LIMITE DE RESPONSABILITÉ – INDEMNISATION – LIMITE DE RESPONSABILITÉ, Article 5, Conditions générales du 18 février 2016

Contenu de la clause : UBER NE SERA PAS RESPONSABLE DES DOMMAGES INDIRECTS, ACCESSOIRES, PARTICULIERS, EXEMPLAIRES, PUNITIFS OU CONSÉCUTIFS, INCLUANT EN CELA LA PERTE DE PROFITS, LA PERTE DE DONNÉES, LES DOMMAGES CORPORELS OU MATÉRIELS LIÉS OU SE RAPPORTANT À TOUTE UTILISATION DES SERVICES OU, QUOI QU’IL EN SOIT, EN DÉCOULANT, MÊME SI UBER A ÉTÉ INFORMÉE DE LA POSSIBILITÉ DE TELS DOMMAGES.

UBER NE SERA PAS RESPONSABLE DES DOMMAGES, OBLIGATIONS OU PERTES DÉCOULANT DE : (I) CE QUE VOUS AVEZ UTILISÉ LES SERVICES OU QUE VOUS VOUS Y ÊTES FIÉ(E) OU DE L’IMPOSSIBILITÉ POUR VOUS D’AVOIR ACCÈS OU D’UTILISER LES SERVICES ; OU DE (II) TOUTE TRANSACTION OU RELATION ENTRE VOUS ET TOUT PRESTATAIRE TIERS, MÊME SI UBER A ÉTÉ INFORMÉE DE LA POSSIBILITÉ DE TELS DOMMAGES.

UBER NE SERA PAS RESPONSABLE D’UN RETARD OU D’UNE INEXÉCUTION, LESQUELS SERAIENT DUS À DES CAUSES ÉCHAPPANT AU CONTRÔLE RAISONNABLE D’UBER. VOUS RECONNAISSEZ QUE LES PRESTATAIRES TIERS DE TRANSPORT FOURNISSANT DES SERVICES DE TRANSPORT SOLLICITÉS DANS LE CADRE DE CERTAINES MARQUES DE DEMANDE PEUVENT OFFRIR DES SERVICES DE COVOITURAGE OU DES SERVICES DE TRANSPORT DE PARTICULIER À PARTICULIER SANS DÉTENIR DE LICENCE OU DE PERMIS PROFESSIONNEL POUR CE FAIRE. EN AUCUN CAS, LA RESPONSABILITÉ TOTALE D’UBER DANS LE CADRE DES SERVICES POUR DOMMAGES, PERTES ET CAUSES D’ACTION NE DÉPASSERA LE MONTANT DE CINQ CENTS EUROS (500 EUR).

VOUS POUVEZ UTILISER LES SERVICES D’UBER POUR SOLLICITER ET PRÉVOIR DES DÉPLACEMENTS, DES SERVICES DE BIENS OU DES SERVICES LOGISTIQUES AUPRÈS DE PRESTATAIRES TIERS MAIS VOUS CONVENEZ QU’UBER N’A AUCUNE RESPONSABILITÉ ET NE RÉPONDRA À VOTRE ÉGARD D’AUCUN TRANSPORT, BIEN OU SERVICE LOGISTIQUE FOURNI PAR DES PRESTATAIRES TIERS, EN DEHORS DE CE QUI A ÉTÉ EXPRESSÉMENT ÉNONCÉ AUX PRÉSENTES.

LES LIMITES ET LES EXCLUSIONS DU PRÉSENT ARTICLE 5 NE PRÉTENDENT PAS LIMITER LA RESPONSABILITÉ OU MODIFIER TOUT DROIT VOUS REVENANT EN QUALITÉ DE CONSOMMATEUR QUI NE SAURAIT ÊTRE EXCLU AU REGARD DE LA LOI APPLICABLE. »

Analyse de la clause : L’article L.212-1 du code de la consommation répute abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et consommateurs qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Tel est le cas de la clause n° 7, dont l’examen montre que l’utilisateur se voit imputer l’entière responsabilité de l’ensemble des dommages (indirects, accessoires, particuliers, exemplaires, punitifs ou consécutifs), qu’il pourrait subir à l’occasion de l’utilisation des services proposés sur la plateforme UBER, tout en exonérant la société UBER de l’intégralité des dommages qui pourraient survenir à cette occasion.

— « Clause n° 8 : INDEMNISATION, Article 5, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : Vous acceptez d’indemniser et de mettre hors de cause Uber ainsi que ses administrateurs, dirigeants, employés et mandataires contre l’ensemble et chacune des actions, demandes, pertes, responsabilités et dépenses (incluant en cela les honoraires d’avocats) liées ou se rapportant à : (i) l’utilisation que vous faites des Services ou des biens ou services obtenus par votre utilisation des Services ; (ii) un manquement ou une violation de votre part de l’une ou l’autre des présentes Conditions ; (iii) l’utilisation par Uber de votre Contenu d’utilisateur ; ou (iv) une violation de votre part des droits de toute tierce partie, y compris les Prestataires tiers. »

Analyse de la clause : « En imputant à l’utilisateur une entière responsabilité des dommages résultant de son utilisation, même non fautive, des services qu’elle propose et en le contraignant à une indemnisation totale à son égard, tout en s’exonérant de sa propre responsabilité en cas de dysfonctionnement de ses services, la clause n° 8 crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des consommateurs.

Elle est donc abusive au sens de l’article L.212-1 du code de la consommation et sera donc réputée non écrite. »

— « Clause n° 14 : RELATION CONTRACTUELLE, Article 1, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : Uber peut résilier immédiatement les présentes Conditions ou tout Service à votre égard ou, d’une manière générale, cesser d’offrir les Services ou toute partie de ces derniers ou en interdire l’accès, et ce à tout moment et pour quelque motif que ce soit. […]

De temps à autre, Uber pourra apporter des modifications aux Conditions applicables aux Services. Les modifications prendront effet dès affichage par Uber, au présent emplacement, des Conditions ainsi mises à jour ou des règles ou conditions supplémentaires modifiées au niveau du Service concerné. En continuant d’accéder aux Services ou de les utiliser après ledit affichage, vous consentez à être lié(e) par les Conditions telles que modifiées.

Clause n° 15 : PAIEMENT, Article 3, Conditions générales du 18 février 2016.

Contenu de la clause : « Pour ce qui est de la relation entre vous et Uber, Uber se réserve le droit, à tout moment et à la seule discrétion d’Uber, de désactiver, supprimer et/ou revoir les Frais de tout bien ou service ou de l’ensemble d’entre eux obtenus en utilisant les Services. »

Analyse des clauses : « En prévoyant que les modifications prennent effet dès leur « l’affichage » et que l’accès ou l’utilisation des Services vaut consentement implicite de l’utilisateur aux modifications des Conditions générales, la société UBER ne ménage aucun délai de prévenance permettant à l’utilisateur de résilier le contrat s’il le souhaite.

La clause est ainsi abusive au sens de l’article L.212-1 du code de la consommation en ce qu’elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment de l’utilisateur consommateur. »

— « Clause n° 17 : MODIFICATIONS DE LA DÉCLARATION – Déclaration de Confidentialité du 15 juillet 2015.

Contenu de la clause : «Nous pouvons modifier de temps à autre la présente Déclaration. Si nous modifions de manière significative la façon dont nous traitons vos données personnelles, ou la présente Déclaration, nous vous en informerons via les Services ou par tout autre moyen, tel qu’un e-mail. 

Le fait que vous continuiez à utiliser les Services après cet avis vaudra acceptation de votre part des changements concernés. Nous vous invitons à consulter régulièrement la présente Déclaration pour prendre connaissance des dernières informations concernant nos pratiques en matière de protection de la vie privée. »

Analyse de la clause : « La société UBER affirme qu’il revient au consommateur de consulter régulièrement la « Déclaration » (de confidentialité) afin de prendre connaissance des dernières informations concernant ses pratiques en matière de protection de la vie privée.

Ce faisant, en renversant la charge de l’obligation d’information, la clause n° 17 a pour objet de reporter sur l’utilisateur l’exécution de l’obligation légale d’information qui pèse sur le professionnel.

Elle est donc abusive au sens de l’article L.212-1 du code de la consommation, en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur/utilisateur. »

Recommandation en ce sens : Recommandation N°14-02 Contrats de fourniture de services de réseaux sociaux, pt34 —

Clause n° 16 : DROIT APPLICABLE – ARBITRAGE, Article 6, Conditions générales du 18 février 2016.

Extrait de la clause : « Sauf autrement indiqué aux présentes Conditions, les présentes Conditions sera exclusivement régi et interprété conformément au droit des Pays-Bas, à l’exclusion de ses règles de conflits de lois. La convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises de 1980 (CVIM) ne s’applique pas. »

Analyse de la clause : « En l’espèce, la clause n° 16 prévoit que les Conditions générales du contrat sont exclusivement régies et interprétées conformément au droit des Pays-Bas à l’exclusion des règles de conflits de lois (des Pays-Bas). Cette rédaction conduit ainsi l’utilisateur à se méprendre sur l’étendue de la protection qu’il peut revendiquer, car elle lui donne l’impression que seule la loi désignée par la clause est applicable et s’abstient de l’informer qu’il bénéficie également de la protection assurée par les dispositions impératives issues de l’article 6.2 du règlement « Rome I ».

Cette clause litigieuse est donc abusive au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation, car elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment du consommateur. »

Voir en ce sens : CJUE, 3 octobre 2019, aff. C-272/18 – Verein für Konsumenteninformation