CJUE 16 juill 2020-Caixabank_aff_C-224/19
Prescription – Principe d’effectivité
EXTRAIT
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que l’introduction de l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de la constatation de la nullité d’une clause contractuelle abusive soit soumise à un délai de prescription, pour autant que le point de départ de ce délai ainsi que sa durée ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit du consommateur de demander une telle restitution. »
ANALYSE
La CJUE rappelle que le principe d’autonomie procédurale des Etats membres ne doit pas méconnaître les principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union européenne. Le principe d’équivalence implique que les modalités procédurales des recours en justice fondés sur la directive sur les clauses abusives ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne. Le principe d’effectivité implique que ces modalités procédurales ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive sur les clauses abusives. La CJUE fait ici application d’une jurisprudence constante, notamment rappelée dans son arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C-168/05, EU:C:2006:675, point 24.
Cependant, la CJUE confirme que le principe de sécurité juridique justifie la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion (arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 41, ainsi que du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 69).
Aussi, elle juge qu’est conforme à la directive 93/13 une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à constater la nullité d’une clause abusive, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation pour autant que deux conditions, tirées des principes d’équivalence et d’effectivité soient réunies :
– ce délai ne doit pas être moins favorable que celui concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence)
– ce délai ne doit pas rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13 (principe d’effectivité).
La CJUE constate que le délai de prescription de cinq ans, prévu par une réglementation nationale pour l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de la constatation de la nullité d’une clause abusive, n’apparaît pas, comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13.
Elle juge cependant que son point de départ fixé à la conclusion du contrat n’est pas de nature à assurer au consommateur une protection effective, dès lors que ce délai risque d’avoir expiré avant même que le consommateur ne puisse avoir connaissance de la nature abusive d’une clause contenue dans ce contrat (pts 90 & 91).
En droit français, la Cour de cassation a jugé que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s’analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu’elle n’est pas soumise à la prescription quinquennale (Arrêt n°249 du 13 mars 2019 (17-23.169) – Cour de cassation – Première chambre civile – ECLI:FR:CCASS:2019:C100249)
Voir également :
-Site de la CCA : CJUE, 9 juillet 2020-C-698-18-Raiffeisen Bank : http://www.clauses-abusives.fr/jurisprudence/reglementation-nationale-soumettre-a-delai-de-prescription-laction-restitution-consecutive-a-action-constatation-caractere-abusif-dune-clause/