Cour de justice de l'Union européenne
L’interdiction faite au juge de réviser la stipulation abusive est écartée lorsqu’une clause contient plusieurs obligations qui sont séparables et qui peuvent être supprimées indépendamment les unes des autres

CJUE, 29 avril 2021,  C-19/20 - BankBPH

CJUE, 29 avril 2021,  C-19/20 – BankBPH 

Effets de la constatation du caractère abusif d’une clause – Contrat de prêt hypothécaire libellé dans une devise étrangère – Détermination du taux de change entre les devises – Contrat de novation – Effet dissuasif – Obligations du juge national 

EXTRAIT : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsque l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive est assuré par des dispositions législatives nationales qui en réglementent l’utilisation, pour autant que cet élément consiste en une obligation contractuelle distincte, susceptible de faire l’objet d’un examen individualisé de son caractère abusif. D’autre part, ces dispositions s’opposent à ce que la juridiction de renvoi supprime uniquement l’élément abusif d’une clause d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance, ce qu’il appartiendra à cette juridiction de vérifier ». 

ANALYSE : 

La CJUE avait interprété l’article 6 paragraphe 1 de la directive 93/13 en ce sens que le juge interne est uniquement tenu d’écarter l’application d’une clause abusive sans pouvoir en réviser le contenu (voir en ce sens arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C-96/16 et C-94/17, EU:C:2018:643, point 73).  

En l’espèce, la suppression de l’élément de la clause d’indexation du prêt hypothécaire en cause dans l’affaire au principal relatif à la marge de la banque n’entraîne aucune lacune qui nécessiterait une intervention positive de la part du juge interne. Toutefois, elle souligne que cette suppression modifie l’essence de la clause dans sa rédaction originale. Or, la Cour a jugé que les dispositions de la directive 93/13 s’opposent à ce qu’une clause jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 64). 

Par ailleurs, la faculté reconnue au juge national à titre exceptionnel de supprimer l’élément abusif d’une clause d’un contrat liant un professionnel et un consommateur ne saurait être remise en cause par l’existence de dispositions nationales qui, en réglementant l’utilisation d’une telle clause, garantissent l’objectif dissuasif poursuivi par cette directive.