Cour de justice de l'Union européenne
Les dépens de la procédure liée à une clause abusive peuvent être à la charge du consommateur

CJUE, 13 juillet 2023, aff. C-35/22 -CAJASUR Banco SA

CJUE, 13 juillet 2023, aff. C-35/22 -CAJASUR Banco SA

Mots clés : Conditions générales d’un contrat de prêt hypothécaire déclarées nulles par les juridictions nationales – Recours juridictionnel – Acquiescement avant toute contestation – Réglementation nationale revenant à exiger d’un consommateur l’accomplissement d’une démarche précontentieuse auprès du professionnel concerné afin de ne pas être condamné aux dépens de la procédure juridictionnelle – Principe de bonne administration de la justice – Droit à une protection juridictionnelle effective. 

  

EXTRAIT 

  

« L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprété en ce sens que : il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle, en l’absence d’accomplissement par un consommateur d’une démarche précontentieuse auprès d’un professionnel avec lequel il a conclu un contrat contenant une clause abusive, ce consommateur doit supporter ses propres dépens relatifs à la procédure juridictionnelle qu’il a engagée contre ce professionnel pour faire valoir les droits que lui confère la directive 93/13 lorsque ledit professionnel a acquiescé à la demande dudit consommateur avant toute contestation, même si le caractère abusif de cette clause a été constaté, sous réserve que le juge national compétent puisse tenir compte de l’existence d’une jurisprudence nationale bien établie constatant le caractère abusif de clauses analogues et de l’attitude du même professionnel pour conclure à la mauvaise foi de ce dernier et, le cas échéant, le condamner en conséquence à supporter ces dépens. ». 

  

ANALYSE 

  

La clause abusive du cas d’espèce était relative aux frais hypothécaires. À la suite de l’introduction du recours du consommateur, le professionnel avait reconnu le caractère abusif de ladite clause, mais, considérant que le montant réclamé à ce titre était excessif, n’avait accepté de rembourser qu’une partie de celui-ci. Condamné à restituer au consommateur une partie du montant réclamé et à payer les dépens de la procédure, le professionnel avait fait valoir que, dès lors qu’il avait acquiescé à la demande avant toute contestation, ladite condamnation aux dépens état contraire au droit national qui prévoit qu’une telle condamnation ne peut être imposée que lorsque la mauvaise foi du défendeur est constatée, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ;  

  

La CJUE fut donc saisie d’une question préjudicielle quant au point de savoir si cette réglementation était de nature à entraver l’effectivité de l’article 6 paragraphe 1 de la directive, relatif aux clauses abusives selon lequel « Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs ».  

 

La CJUE énonce que dans un contrat de prêt conclu entre une banque et un consommateur contenant une clause abusive, la loi nationale, qui prévoit que ledit consommateur doit supporter les dépens relatifs à la procédure juridictionnelle engagée par ce dernier contre le professionnel pour faire valoir ses droits conférés par la directive, ne s’oppose pas à l’article 6 paragraphe 1 de cette même directive, relatif aux clauses abusives. Elle soumet cette solution à deux conditions : 

  

D’une part, ledit professionnel doit avoir acquiescé à la demande dudit consommateur avant toute contestation, y compris si le caractère abusif de la clause a été constaté. Le juge doit pouvoir tenir compte d’une jurisprudence nationale bien établie constatant le caractère abusif de clauses analogues; 

  

D’autre part, ce professionnel doit être de bonne foi. Si ce professionnel s’avère être de mauvaise foi, il pourra être condamné à supporter tous les dépens. 

  

La Cour assure donc, par cette solution, l’équilibre entre la répartition des dépens, fixée par le droit national et qui relève de l’autonomie procédurale des États membres, et le droit du consommateur de saisir le juge pour faire valoir ses droits conférés par la directive, en vertu du principe d’effectivité. 

  

La CJUE avait déjà statué en ce sens dans un arrêt du 22 septembre 2022, n° C-215/21, Zulima contre Servicios prescriptor y medios de pagos EFC SAU, dans lequel elle affirme que dans les cas où le juge peut tenir compte de la mauvaise foi du professionnel, le consommateur peut supporter les dépens quand il obtient satisfaction par voie extrajudiciaire en matière de clauses abusives.  

  

En droit français, selon l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens sont en principe supportés par la partie perdante au procès. La charge des dépens se retrouve à l’article 700 du Code de procédure civile.