Le TJ de Paris déboute UFC-Que Choisir de son action en cessation contre BLABLABUS

TJ DE PARIS, 28 JUIN 2022, S.A.S C6, N° RG 18/00477

TJ DE PARIS, 28 JUIN 2022, S.A.S C6, N° RG 18/00477 

Action en cessation – clauses limitative de responsabilité – clause d’acceptation des CGV – clause relative à l’irrégularité du paiement – clause relative au délai d’embarquement – clause relative au droit de rétractation – clause relative aux données personnelles – clause relative aux cookies 

 

ANALYSE :  

 

Le Tribunal déboute en premier lieu l’UFC-QUE CHOISIR de son action dirigée contre les clauses des conditions générales de 2017 au motif qu’elle n’a pas ici d’intérêt à agir. Le Tribunal considère que la jurisprudence Invitel (CJUE, 26 avr. 2012, aff. C-472/10) et la jurisprudence Air France (Cass. civ. 1ère, 26 avr. 2017, n°15-18.970) ne sont pas applicables à l’espèce. Selon les juges, « la nature même des contrats de transport OUIBUS qui permettent de réserver un trajet déterminé six mois au maximum à l’avance, et les conditions de délivrance et d’utilisation des bons d’achat en cas d’annulation, d’une validité de quatre mois, exclut que quatre ans après la modification des conditions générales, des contrats souscrits sous l’empire de ces anciennes dispositions soient toujours en cours ». Le Tribunal juge en second lieu que les clauses relatives d’une part aux conditions générales de vente et d’autre part à la charte de confidentialité ne créent pas de déséquilibre significatif. 

 

CLAUSE RELATIVE A LA FORCE MAJEURE (page 14) 

  

L’article 18.3 des Conditions générales de vente (CGV) de la Société C6, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 est ainsi libellé : 

  

Contenu de la clause: « En conséquence, la responsabilité de BLABLABUS pourra être engagée en cas de manquement à l’une de ses obligations contractuelles sauf cas de force majeure empêchant l’exécution de l’obligation concernée à savoir un événement échappant au contrôle de BLABLABUS qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du Contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées conformément à la définition légale de l’article 1218 du Code civil ». 

Analyse de la clause 18.3 des conditions générales de vente (CGV) : L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que ladite clause était abusive en ce qu’elle était de nature à induire en erreur les consommateurs sur la portée de leurs droits dans l’hypothèse d’un cas de force majeure dans la mesure où la stipulation procédait à une reproduction tronquée de l’article 1218 du Code civil. Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « Le fait de ne pas reproduire l’alinéa 2 qui aborde les conséquences de la force majeure sur l’exécution de l’obligation en opérant une distinction entre empêchement temporaire et empêchement définitif n’est pas en soi susceptible de créer un déséquilibre entre les deux parties au détriment du consommateur, puisqu’il n’a pas pour effet de paralyser ses dispositions. La simple reproduction de l’alinéa 1, qui n’est pas une obligation pour le débiteur de l’obligation, donne au consommateur les références précises d’un texte de loi dont il peut prendre connaissance, notamment s’il souhaite invoquer la responsabilité du transporteur et obtenir le remboursement des sommes versées. En conséquence le caractère abusif de cette clause ne sera pas retenu » 

 

CLAUSE D’ACCEPTATION DES CONDITIONS GENERALES DE VENTE (page 15) 

  

L’article 3.1 des Conditions générales de vente (CGV) de la Société C6, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 est ainsi libellé : 

: 

Contenu de la clause : «Lors du processus de passation de toute Commande, l’attention du Passager, ou de son éventuel Mandataire, est attirée sur le fait que la validation de la Commande est strictement subordonnée à l’acceptation préalable, sans restriction ni réserve, de l’intégralité des termes et conditions de vente par les moyens suivants : * un processus d’acceptation pour les Commandes passées sur le Site ou l’Application Mobile avec une acceptation des CGV applicables au moment du paiement du Billet, * Une information orale délivrée par l’agent d’accueil qui renvoie sur les CGV telles que décrites sur le Site, pour les commandes de Billets réalisées en Point de Vente. A défaut, le passager ou le mandataire est irrévocablement réputé accepter les CGV du seul fait de la poursuite du processus de commande ou d’achat en point de vente jusqu’à son terme » 

  

Analyse de l’article 3.1 des Conditions générales de vente (CGV) : L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que ladite clause était abusive en ce qu’elle vise l’information orale et permet toujours à la société C6 d’échapper à l’obligation qui lui incombe de porter à la connaissance du consommateur les documents contractuels qui lui seront opposables par elle. Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « L’information orale donnée par l’agent d’accueil, dont l’UFC-QUE CHOISIR ne remet pas en cause l’effectivité, ne prétend pas se substituer à la mise à disposition des conditions générales de vente mais à informer le client qu’elles existent et comment il peut les consulter. Par ailleurs, la clause 3.4 prévoit que postérieurement à la commande ou à l’achat, et préalablement à l’exécution de la prestation, les CGV sont envoyées sur support durable à l’adresse de courrier électronique communiquée par le passager ou son éventuel mandataire, lors du processus de passation de commande ou d’achat quelque soit le procédé (internet, point de vente) ou envoyé en l’absence d’adresse électronique, par tout autre moyen spécifié par le passager ou son mandataire. La clause 3.5 mentionne que les CGV pouvant faire l’objet de modifications les conditions applicables sont celles en vigueur lors de la commande ou de l’achat en point de vente. En conséquence le caractère abusif de cette clause ne sera pas retenu » 

  

CLAUSE RELATIVE A L’IRREGULARITE DU PAIEMENT (page 17) 

  

L’article 5-15 des Conditions générales de vente (CGV) de la Société C6, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 est ainsi libellé 

  

Contenu de la clause : « Aucune validation de la Commande n’intervient avant le paiement effectif et intégral du prix des Prestations et Services Annexes sélectionnés par le Passager ou son éventuel Mandataire. Si le paiement présente une irrégularité, est incomplet ou s’il n’est pas effectué pour une quelconque raison imputable au Passager ou à son Mandataire, la Commande est immédiatement annulée dans les conditions de l’Article 10 ». 

Analyse de l’article 5-15 des Conditions générales de vente (CGV): L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que ladite clause était abusive en ce qu’elle faisait supporter au consommateur la sanction de l’annulation en cas d’irrégularité en raison de son caractère incomplet ou de l’absence de paiement alors qu’elle pouvait résulter d’un cas de force majeure justifiant une régularisation ultérieure ne pouvant donc pas lui être  imputable. Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « L’imputabilité est une notion juridique qui exprime la possibilité d’attribuer à une personne la responsabilité d’un fait. Elle exclut donc le cas de la force majeure, qui vise un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées, et qui empêche l’exécution de son obligation. La clause 5-15 n’a donc pas pour effet de faire supporter au client les conditions contractuelles d’annulation lorsque l’absence de paiement complet ou régulier est consécutive à un cas de force majeure. En conséquence le caractère abusif de cette clause ne sera pas retenu » 

 

CLAUSE RELATIVE AU DROIT DE RETRACTATION (page 18) 

  

Les articles 10.1 et 10.2 des Conditions générales de vente (CGV) de la Société C6, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 sont ainsi libellés 

  

Contenu de la clause :10.1 : “Généralités 10.1 En application des dispositions de la loi applicable, les contrats portant sur les services de transport de passagers sont exclus du champ d’application des dispositions de loi applicable pour les contrats à distance et hors établissement instituant un droit de rétractation au profit du consommateur. “. 

10.2 : 2 “Par conséquent, les Prestations et Services Annexes fournis par BLABLABUS au Passager dans le cadre de l’exécution du Contrat de transport peuvent faire l’objet uniquement d’échange ou d’annulation selon les conditions contractuelles prévues ci-après. Toute autre éventuelle prestation fournie par BLABLABUS, qui ne relèverait pas de la Prestation de transport de passager ou n’en serait pas l’accessoire direct, seront soumises au droit de rétractation tel que visé dans la loi applicable pour les contrats à distance et hors établissement dans les conditions décrites à l’Annexe I des présentes CGV. 

  

Analyse des articles 10.1 et 10.2 des Conditions générales de vente (CGV): L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que lesdites clauses étaient abusives en ce qu’elles étaient de nature à enfreindre les dispositions d’ordre public excluant du bénéfice du droit à rétractation uniquement les contrats de service de transport de passagers ne pouvant concerner que le seul achat du titre de transport. Elle considérait également comme abusives les notions « d’annexe » ou « d’accessoire direct » qui relevaient de l’interprétation unilatérale de la défenderesse. Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « Ces notions ne relèvent pas de l’interprétation unilatérale de la société de transport, qui n’impose pas une liste des prestations qui seraient ou pas un accessoire direct du service de transport, laissant ainsi au consommateur la possibilité d’invoquer devant le juge que telle prestation bénéficie du droit de rétractation en raison de sa nature non accessoire à la prestation de transport. En conséquence le caractère abusif de cette clause ne sera pas retenu. » 

CLAUSE RELATIVE AU DELAI D’EMBARQUEMENT (page 19)  

 

L’article de l’article 13-2 des Conditions générales de vente (CGV) de la Société C6, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 est ainsi libellé 

 

Contenu de la clause : « Afin de garantir un embarquement sécurisé et le respect des horaires, les Passagers sont invités à se présenter à l’embarquement au plus tard quinze (15) minutes avant l’horaire de départ indiqué sur le Billet. À défaut, BLABLABUS ne garantit pas le transport du Passager présent à l’embarquement moins de quinze (15) minutes avant le départ dans le cas où ce retard engendre ou risque manifestement d’engendrer un risque en termes de sécurité ou de respect des horaires. » 

Analyse de l’article 13-2 des Conditions générales de vente (CGV) L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que ladite clause était abusive en ce qu’elle était de nature à laisser à la société le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou non l’embarquement des clients 15 minutes avant l’heure de départ du bus sans se prononcer sur les situations de force majeur ou d’empêchement légitime. Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « Le transporteur n’excède pas ses pouvoirs lorsqu’il impose à ses clients de se présenter un quart d’heure avant le départ du bus afin de laisser le temps nécessaire au contrôle des titres de transport, au chargement des bagages et à l’installation des passagers, afin de garantir leur sécurité et le respect de l’horaire de départ. Par voie de conséquence, il n’excède pas davantage ses pouvoirs en se laissant la possibilité de refuser d’embarquer un passager retardataire qui n’a pas respecté l’heure indiquée, précédant d’un quart d’heure le départ du bus, selon l’appréciation qu’il est parfaitement en droit de faire des conséquences de ce retard sur la sécurité et le respect des horaires. En conséquence, le caractère abusif de cette clause ne sera pas retenu. » 

 

CLAUSES DE CONSERVATION DE DONNEES PERSONNELLES (page 20) 

 

Les articles 4.1 et 4.3 de la Chartre de Confidentialité (CDC), en vigueur depuis le 7 juillet 2017 sont ainsi libellés : 

 

Contenu de la clause : « 4.1 Les Données que nous collectons servent à traiter l’exécution et le suivi de vos réservations et des prestations qui en découlent. Elles servent aussi à améliorer les services que nous vous proposons en nous renseignant sur vos intérêts concernant les fonctionnalités, les performances et le support de nos services. » 

 4.3 Nous pouvons utiliser les Données collectées nous-mêmes ou via différents supports dans un but de communication promotionnelle, commerciale ou d’information. Dans ce cadre, afin de vous permettre de mieux utiliser le Site et de vous tenir informés de nos nouveautés ainsi que de nos meilleures offres du moment, nous pouvons vous proposer gratuitement des lettres d’information. Sauf opposition de votre part, si vous avez acheté des billets Ouibus pas le biais du Site, nous pouvons vous adresser par voie électronique des informations concernant l’utilisation du Site ainsi que nos offres promotionnelles » 

 

Analyse des articles 4.1 et 4.3 de la Chartre de Confidentialité (CDC) : L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que lesdites clauses étaient abusives en ce qu’elles étaient de nature à conserver les données à caractère personnel de manière illimitée sans que le consommateur soit informée de leur enregistrement et utilisation, créant pour le professionnel un avantage sans contrepartie face au consommateur  en ne lui permettant pas de manifester son opposition à la réutilisation de ses données  en raison du caractère insuffisamment claire et compréhensible de ladite clause  Le Tribunal rejette l’argumentation au motif que « Cette clause doit être lue dans son contexte (utilisation des données dans un but de communication promotionnelle commerciale ou d’information au profit de OUIBUS) et en relation avec la clause 4.6 qui précise que les données peuvent être transmises aux partenaires de marketing direct du transporteur si le client a choisi de recevoir les communications promotionnelles (référence au consentement à l’utilisation de ses données à des fins commerciales ou promotionnelles). Il en résulte clairement que la société peut utiliser les données “elle-même” c’est-à-dire en envoyant à ses clients des lettres d’information, ou les transmettre à des partenaires marketing qui assurent auprès des clients la communication promotionnelle de OUIBUS. 

 

CLAUSES RELATIVE AUX COOKIES (page 23) 

 

L’article 7 de la Chartre de Confidentialité, en vigueur depuis le 7 juillet 2017 est ainsi libellé : « 7.1 Les cookies sont des données envoyées sur votre terminal à partir de votre navigateur quand vous visitez le Site et qui comprennent un numéro d’identification unique. Les cookies permettent de simplifier l’accès au Site ainsi que la navigation et accroissent la vitesse et l’efficacité d’utilisation de ces derniers. Ils peuvent aussi être utilisés pour individualiser le Site selon vos préférences personnelles. Les cookies permettent également d’analyser l’utilisation du Site. […] .6 Vous avez toujours la possibilité de supprimer les cookies acceptés. Si vous souhaitez supprimer des cookies, les paramètres ou les préférences contrôlées par ces cookies seront supprimés également. “ 

Analyse de l’article 7 de la Chartre de Confidentialité (CDC):  L’UFC-QUE CHOISIR soutenait que ladite clause était abusive en ce qu’elle ne renvoyait à aucun lien hypertexte permettant à l’utilisateur de refuser l’installation de cookies publicitaires et qu’elle amenait à la lecture de cookies dans l’équipement terminal de communications électroniques de l’utilisateur dès que ce dernier visite le site internent du service OUIBUS sans l’informer par un bandeau information préalable. Le tribunal rejette l’argumentation au motif que « Ces dispositions qui paraphrasent essentiellement les dispositions légales ne présentent aucun caractère illicite. Elles ne prévoient pas que le dépôt de cookies se fasse par défaut, et se réfèrent expressément à l’accord ou au refus de l’utilisateur. L’argument de L’UFC-QUE CHOISIR qui se réfère à une pratique contraire à cette annonce est inopérant, étant par ailleurs observé à titre surabondant que l’inexistence de ce lien n’est pas démontrée ». 

 

Voir également