Cour de cassation
Le caractère abusif de la clause de remboursement d’un prêt en devise ayant entraîné la déchéance du terme doit être relevé d’office

Cass. civ. 1ère, 13 mars 2024, n° 22-24.812

Cass. civ 1, 13 mars 2024, n° 22-24.812 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Déchéance du terme — Relevé d’office — Clause de remboursement — Directive 93/13 

EXTRAITS : 

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Interprétant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que le juge national était tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l’appliquait pas, sauf si le consommateur s’y opposait (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08)

6.Pour rejeter les demandes des emprunteurs, l’arrêt retient que c’est sans commettre d’abus que la banque a pu prononcer la déchéance du terme dès lors que l’arriéré, constitué depuis le mois de juillet 2013, n’était pas apuré et que si Mme [K] [V] travaillait à l’étranger au moment de l’envoi de l’avis de déchéance du terme, il lui appartenait soit de communiquer ses nouvelles adresses à la banque, soit de faire en sorte que son courrier puisse lui parvenir.

7. En statuant ainsi, sans examiner d’office si la clause de remboursement en franc suisse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs, alors qu’elle relevait que ceux-ci développaient, au soutien de leur demande indemnitaire, des arguments relatifs au caractère abusif de la clause relative au risque de change, la cour d’appel a violé le texte susvisé. 

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt immobilier libellé en francs suisses et remboursable en francs suisses. Plusieurs années plus tard, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt du fait de la défaillance des consommateurs. Les consommateurs assignent la banque et demandent l’annulation de la déchéance du terme au motif que la clause de remboursement en francs suisses mettait à leur charge un risque de change.  

Les juges du fond rejettent la demande des consommateurs au motif que c’est sans abus que la banque avait prononcé la déchéance du terme du fait de la défaillance des consommateurs.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que les juges du fond n’avaient pas examiné d’office si ladite clause de remboursement constituait ou non un déséquilibre significatif, alors même que les consommateurs avaient invoqué ce caractère abusif dans leur demande. Or depuis, l’arrêt Pannon de la CJUE, le juge a l’obligation de relever d’office le caractère potentiellement abusif d’une clause. Ainsi, la Cour casse et annule la décision rendue afin de permettre l’appréciation du caractère abusif de ladite clause de remboursement. 

 

Voir également : 

-  CJUE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM