Cour de justice de l'Union européenne
La prescription de l’action restitutoire consécutive au constat du caractère abusif ne peut commencer à courir à la date à laquelle le consommateur exécute sa prestation.

CJUE, 8 septembre 2022, C-80/21 à C-82/21 - D.B.P.

CJUE, 8 septembre 2022, C80/21 à C82/21 – D.B.P   

 

Contrats de crédit hypothécaire – Action aux fins de restitution des sommes indûment versées– Prescription – Principe d’effectivité 

 

EXTRAITS : 

« La directive 93/13, lue à la lumière du principe d’effectivité, doit être interprétée en ce sens que : elle s’oppose à une jurisprudence nationale selon laquelle le délai de prescription de dix ans de l’action du consommateur tendant à obtenir la restitution de sommes indûment versées à un professionnel en exécution d’une clause abusive contenue dans un contrat de crédit commence à courir à la date de chaque prestation exécutée par le consommateur, quand bien même ce dernier n’était pas en mesure, à cette date, d’apprécier lui-même le caractère abusif de la clause contractuelle ou n’avait pas eu connaissance du caractère abusif de ladite clause, et sans tenir compte de ce que ce contrat avait une durée de remboursement, en l’occurrence de trente ans, largement supérieure au délai de prescription légal de dix ans.» 

 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser les règles de prescription applicables aux actions restitutoires consécutives au constat du caractère abusif d’une clause d’un contrat de prêt hypothécaire. 

 

La Cour commence par rappeler que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui soumet l’action restitutoire consécutive au constat du caractère abusif d’une clause à un délai de prescription, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance). Dans la présente affaire, seul est visé le principe d’effectivité, ce qui signifie que l’opposition d’un tel délai de prescription est possible, pourvu que son application ne rende pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13 (pt.91). La Cour poursuit ainsi en s’intéressant aux modalités de mise en œuvre d’un tel délai, et particulièrement à sa durée et à son point de départ. 

 

La Cour retient qu’un délai de prescription de dix ans, pour autant qu’il soit établi et connu d’avance, ne semble pas rendre impossible ou excessivement difficile les droits conférés par la directive 93/13 (pt. 93). Elle considère en effet qu’un tel délai permet au consommateur d’exercer un recours effectif pour faire valoir les droits qu’il tire de ladite directive 93/13. La Cour appuie notamment sa position en rappelant qu’elle avait déjà pu considérer que des délais de prescription de trois à cinq ans n’étaient pas contraires au principe d’effectivité (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance).  

 

S’agissant ensuite du point de départ du délai de prescription, qui commence à courir au jour de chaque paiement réalisé par l’emprunteur, la Cour affirme qu’il existe un risque non négligeable que le consommateur ne soit pas en mesure, pendant ce délai, de faire valoir utilement les droits que lui confère la directive 93/13. Selon la Cour, un tel délai de prescription risque en effet d’expirer avant que le consommateur ne soit en mesure d’apprécier lui-même le caractère abusif d’une clause ou d’avoir connaissance du caractère abusif de ladite clause. La Cour en conclut ainsi que le délai de prescription, qui commence à courir au jour de chaque prestation exécutée par le consommateur, est contraire au principe d’effectivité, en ce qu’il rend excessivement difficile l’exercice des droits que le consommateur tire de la directive 93/13 (pt.99).