Cour de justice de l'Union européenne
La possibilité pour le juge national de réviser une clause abusive est écartée lorsque le consommateur a accepté la nullité du contrat

CJUE, 8 septembre 2022, aff. jtes C-80/21 à C-82/21 – D.B.P

CJUE, 8 septembre 2022, aff. jtes C-80/21 à C-82/21 – D.B.P

Contrats de crédit hypothécaire – Substitution à une clause abusive

EXTRAIT

« « L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : ils s’opposent à une jurisprudence nationale selon laquelle le juge national peut, après avoir constaté la nullité d’une clause abusive contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel qui entraîne la nullité de ce contrat dans son ensemble, substituer à la clause annulée soit une interprétation de la volonté des parties afin d’éviter l’annulation dudit contrat, soit une disposition de droit national à caractère supplétif, alors même que le consommateur a été informé des conséquences de la nullité du même contrat et les a acceptées »

ANALYSE

La CJUE rappelle dans un premier temps que la possibilité pour le juge national de substituer à une clause abusive annulée une disposition nationale de caractère supplétif est exceptionnelle. En effet, une telle faculté est limitée aux hypothèses dans lesquelles la suppression de cette clause abusive obligerait le juge à invalider le contrat dans son ensemble, exposant le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU :C :2019 :250, point 56)

Or, lorsque les consommateurs ont été informés des conséquences liées à l’annulation intégrale des contrats de crédit qu’ils avaient conclus et les ont acceptées, la CJUE considère que la condition selon laquelle l’annulation du contrat dans son ensemble exposerait les consommateurs concernés à des conséquences particulièrement préjudiciables n’est pas remplie (point 78). Sachant qu’il s’agit de la condition indispensable permettant au juge national de substituer à la clause abusive annulée une disposition de droit interne à caractère supplétif.

La Cour ajoute également que la possibilité de substituer à une clause abusive annulée une interprétation judiciaire par la volonté des parties est exclue. En effet, la CJUE considère que les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sans être habilités à réviser le contenu de celle-ci (point 80).

Dès lors, le juge national ne peut réviser le contenu de la clause abusive annulée afin de maintenir en vigueur un contrat qui ne saurait le demeurer après la suppression de ladite clause, lorsque le consommateur concerné a été informé des conséquences d’annulation du contrat et a accepté les conséquences de cette nullité (point 83).