Cour d'appel
La cour d’appel de Rennes relève d’office le caractère abusif de la clause de déchéance du terme

Cour d'appel de Rennes, 13 octobre 2023, RG n° 21/00297

COUR D’APPEL DE RENNES, 13 octobre 2023, RG n° 21/00297 

– contrat de prêt – demande en remboursement du prêt – clause abusive – déchéance du terme – délai de mise en demeure –  

 

EXTRAITS  

«Il est de principe que, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit de celui-ci en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.  

Or, en l’occurrence, il est stipulé aux conditions générales du contrat de prêt que ‘en cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés’. 

Une telle clause laisse ainsi croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti en l’espèce pour un montant de 25 500 euros pendant douze ans. » 

 

ANALYSE   

 

Des époux, ont contracté un prêt auprès d’un établissement de Crédit – le Crédit agricole- le 4 novembre 2015. En septembre 2018, les époux ont cessé de payer leurs échéances. Le 6 février 2019, l’établissement de crédit leur a adressé une mise en demeure afin de régulariser leur situation, sans réponse de ces derniers. L’établissement de crédit a alors assigné les époux en paiement et demandé de prononcer la déchéance du terme.  

Faisant application de la jurisprudence européenne et de la jurisprudence de la Cour de cassation s’y conformant sanctionnant les clauses de déchéance du terme sans préavis d’une durée raisonnable (cf : CJUE 26-1-2017 aff. 421/14  Cass. 1e civ. 22-3-2023 n° 21-16.044 FS-B) , la Cour d’appel de Rennes a rejeté la demande de l’établissement de crédit de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt conclu avec les époux. Elle a déclaré la clause de déchéance abusive et l’a écartée d’office. Les juges de la CA de Rennes ont considéré que la clause de déchéance du terme était abusive, car elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs. 

En effet, cette clause ne prévoit pas de délai de mise en demeure préalable. Or, un délai de mise en demeure permet à l’emprunteur de régulariser sa situation avant que le prêteur ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme. Utilisant une expression de la Commission des clauses abusives, la Cour d’appel a également considéré que la clause « laissait croire » à l’emprunteur qu’il ne dispose d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, qui prévoit un délai de grâce. Ce faisant, ladite faculté « déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques » (Banco Primus, pt 66). En outre, la clause laisse croire que le prêteur pouvait se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti. Cette décision se conforme là encore à l’arrêt Banco Primus.