Cour d'appel
La clause subrogeant le prêteur au vendeur dans le bénéfice de la réserve de propriété, peut être abusive

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 24 OCTOBRE 2023, RG n°22/02941

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 24 OCTOBRE 2023, RG n°22/02941 

– déséquilibre significatif – subrogation – contrat de prêt – réputée non écrite – clause de réserve de propriété 

  

EXTRAITS 

  

« En application de l’article L132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 14 mars 2016 (nouvel article L212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 

  

Ces clauses sont réputées non écrites. 

  

Or, conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, dès lors que l’auteur du paiement de la chose n’est pas le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété. 

  

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l’emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment. 

  

Selon le même avis, est également abusive, sauf preuve contraire, la clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien. 

  

En conséquence, la clause de réserve de propriété insérée dans le contrat de prêt consenti par la société Volkswagen Bank à Mme [R] sera réputée non écrite. » 

  

ANALYSE 

  

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant un locataire, ayant souscrit une offre préalable de location avec option d’achat d’un véhicule de la marque Volkswagen, avec la société Volkswagen (loueur). L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de réserve de propriété et que « le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur ». De plus, il était convenu que « le prêteur puisse opter pour l’inscription d’un gage à la préfecture ce qui implique renonciation au bénéfice de la réserve de propriété ». Puis, les loyers étant restés impayés à compter de 1er novembre 2018, le loueur a entendu se prévaloir de la déchéance du terme le 13 septembre 2019. Il a assigné le locataire devant le juge des contentieux de la protection de Pontoise, notamment pour obtenir la restitution du véhicule. Ayant été débouté de ses demandes, il interjette appel devant la CA. Le 27 mars 2023, un courrier a été adressé par le greffe de la première chambre B de la CA au Conseil de la société Volkswagen afin de lui indiquer qu’il était envisagé de déclarer non écrite la clause subrogeant le prêteur dans la réserve de propriété du fait de son caractère abusif. Ce courrier n’a pas donné suite de la part du Conseil de la société Volkswagen.  

  

La CA rappelle qu’en vertu de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, une clause est abusive lorsqu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En droit français, de telles clauses sont réputées non écrites. En application de cette disposition et conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, la CA a reconnu que la clause prévoyant la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. En effet, dès lors que le prêteur n’est pas l’auteur du paiement mais uniquement celui qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client, la subrogation prévue est inopérante. La CA considère qu’une telle subrogation entrave l’exercice du droit de propriété de l’emprunteur, créant ainsi un déséquilibre significatif à son détriment. La Commission des clauses abusives avait recommandé la suppression de cette clause dans sa recommandation sur les contrats de crédit à la consommation (Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28). 

De plus, une clause qui prévoit la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage sur le même bien est également considéré comme étant abusive par la CA. Par conséquent, la clause de réserve de propriété litigieuse doit être réputée non écrite, en ce qu’elle est abusive.  

 

Le prêteur se trouve donc débouté de son action en restitution du véhicule. 

 

 

Voir également : Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28.