Cour d'appel
La clause qui ne subordonne pas la preuve du vol du véhicule à certains indices prédéterminés n’est pas abusive

Cour d’appel de Versailles, 22 octobre 2020, RG 19/03365 

Cour d’Appel de Versailles, 22 octobre 2020, RG 19/03365  

– contrat d’assurance – charge de la preuve – 

 

EXTRAITS  

« L’article 9 des conditions générales – dont le consommateur ne conteste pas qu’elles lui sont opposables – est ainsi rédigé :  

‘Evènements couverts :  

Nous intervenons en cas de survenance de l’un des évènements visés ci-dessous et dans les conditions suivantes :  

A : vol du véhicule
Par vol nous entendons la soustraction frauduleuse du véhicule assuré consécutive : * à l’effraction de celui-ci ou du local privé fermé à clef, dans lequel il est stationné, * à une ruse,
* à un acte de violence ou de menace à votre encontre, à celle du gardien, du conducteur ou des passagers,
* au vol des clefs de ce véhicule dans un local fermé à clef,
* à la remise, par l’acheteur de ce véhicule, d’un faux chèque de banque,
* à un abus de confiance, sauf pour les ‘événements non couverts’ visés ci-après.
La garantie est acquise en tout lieu.  

Pour être garanti vous devez toutefois :  

1) Ne pas avoir laissé, dans ou sur le véhicule, les clefs permettant de le faire démarrer,  

2) Avoir fermé et verrouillé les portières et autres ouvertures du véhicule,  

3) Avoir respecté les obligations spécifiques de lutte contre le vol lorsque celle-ci sont  

prévues aux conditions particulières ou dans une clause annexe,  

4) Avoir déposé plainte.  

En cas de vol avec violence, par ruse ou abus de confiance, le respect des conditions 1, 2 et 3 ci-avant n’est pas exigé’.  

Cette disposition ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de sa mise en oeuvre et il appartient à l’assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies.  

S’il incombe à l’assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont remplies, l’assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve de l’effraction et donc du sinistre alors qu’en application des dispositions de l’article 1315 du code civil, cette preuve est libre et qu’en outre ce type de disposition contrevient aux dispositions de l’article R 132-2 du code de la consommation qui prévoient que sont présumées abusives, au sens de l’article L 132-1 alinéas 1 et 2 du même code, alors applicable, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur.  

Au cas présent, la clause litigieuse ne subordonne pas la preuve du vol à certains indices prédéterminés, comme le forcement de la direction ou la détérioration des contacts électriques. Elle n’est donc pas abusive au sens des dispositions précitées.  

L’article 9 des conditions générales ne donne pas de définition de l’effraction et c’est à raison que le tribunal s’est référé à celle qu’en donne l’article l’article L. 132-73 du code pénal : « L’effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à l’effraction l’usage de fausses clefs, de clefs indûment obtenues ou de tout instrument pouvant être frauduleusement employé pour actionner un dispositif de fermeture sans ne le forcer ni le dégrader ». Il peut donc y avoir effraction même en l’absence de trace de forçage ou de dégradation et la circonstance que le vol du véhicule ait pu être commis sans effraction matérielle est sans effet sur la mise en oeuvre de la garantie contractuelle.  

Il ne saurait être exigé du profane qu’il soit tenu d’expliquer à son assureur la façon dont le voleur s’y est pris pour dérober son véhicule sans laisser de trace matérielle d’effraction, sauf à créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, prohibé par l’article L132-1 du code de la consommation alors applicable.  

La charge qui pèse sur le consommateur est donc de prouver, par tous moyens, que son véhicule a été volé, étant rappelé qu’il est présumé de bonne foi.  

Le consommateur a déclaré le vol de son véhicule Mercedes auprès des services de police du 16ème arrondissement de Paris le 2 mai 2015, le jour même où il a fait le constat de sa disparition. Il avait stationné son véhicule Boulevard Exelmans à 12h15 et a constaté́ sa disparition à 14 heures. Le fait que le vol ait été commis en pleine rue et dans la journée ne le rend pas suspect et au contraire, si le consommateur  avait voulu tromper son assureur, ce que celui-ci semble craindre, il lui était aisé de déclarer un vol de nuit dans une rue peu fréquentée. »   

 

ANALYSE :  

Le consommateur a acheté un véhicule de marque Mercedes, modèle E 350 CDI265, le 2 août 2012, avec un contrat de longue durée de 60 mois auprès de la société Financo. Le véhicule a été assuré par la société Matmut pour des déplacements privés. Le 2 mai 2015 le consommateur a déclaré le vol de son véhicule et a transmis sa déclaration de sinistre à la Matmut. Le véhicule a été retrouvé plus tard, mais la Matmut a refusé de payer l’indemnité en se basant sur une clause contractuelle exigeant la preuve d’effraction pour garantir le vol. 

 

Le tribunal a considéré que la clause imposant la preuve de l’effraction était abusive en vertu des articles L 132-1 et R132-1-12° du code de la consommation. Le consommateur a argumenté que cette clause créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en raison de l’évolution technologique permettant les vols sans effraction. Cependant, la cour d’appel a jugé que cette clause n’était pas abusive car elle ne limitait pas la preuve du vol à des indices prédéterminés pour prouver l’effraction. De plus, elle a rappelé que la preuve de l’effraction n’était pas nécessaire pour la mise en œuvre de la garantie contractuelle. 

 

La cour a jugé que le consommateur avait droit à une indemnisation correspondant à la valeur de remplacement du véhicule, contrairement à la décision précédente du tribunal qui limitait l’indemnisation aux frais de remise en état. Elle a également accordé une indemnité pour le trouble de jouissance subi par le consommateur. 

 

La cour a donc infirmé partiellement le jugement initial.