Cour d'appel
La clause qui limite indûment les moyens de preuve du vol de véhicule est abusive

CA PARIS, Pole 4 ch.8, 1er février 2022, RG N° 20/01378

CA PARIS, Pole 4 ch.8, 1er février 2022, RG N° 20/01378 

 

– clauses relative à la preuve 

  

EXTRAIT  

 

« Au cas particulier, les clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat 

d’assurance sont ainsi rédigées : 

Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : 

– commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est 

stationné. 

Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà 

versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

Il en résulte que la garantie Vol ne s’applique pas sans effraction, que le vol du véhicule doit être prouvé par l’effraction des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné, et que 

l’effraction électronique, quant à elle, n’est pas mentionnée. 

Ainsi, par sa définition de l’effraction, l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

Outre leur caractère restrictif, ces modes de preuve ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile, vidant ainsi la garantie de sa substance. 

Il s’agit donc d’une clause abusive en ce qu’elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur. Dans la mesure où l’assureur ne saurait promettre à l’assuré de garantir le vol tout en limitant l’application de la garantie à des hypothèses d’exécution matérielle de l’infraction trop précises, devenues totalement marginales ou dont la preuve est impossible à rapporter, elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite. Le jugement sera confirmé sur ce point. » 

 

ANALYSE :  

La Cour d’appel de Paris était saisie du caractère abusif d’une clause ainsi libellée : 

 

Contenu de la clausepage 18 : «Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : – commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné. » 

Page 40 : Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

  

La Cour d’appel juge abusive cette clause.  

Pour statuer ainsi, elle se fonde sur trois règles de droit.  

D’une part elle juge que l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

D’autre part, elle observe que les modes de preuve requis par la clause « ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile ». Il en déduit que la clause vide ainsi la garantie « de sa substance ». On reconnaît ici l’ l’article 1170 du Code civil, issu de de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, selon lequel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Cependant, les juges n’ont pas cité ce texte puisque le contrat d’assurance avait été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée. 

Enfin, la Cour d’appel se fonde sur l’article R. 212-2, 9° du Code de la consommation qui présume abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de «  Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ». Cette clause grise est présumée abusive de façon simple.