Cour de cassation
La clause ne mentionnant pas le risque de change à la charge du consommateur est abusive

Cass. civ. 1ère, 20 décembre 2023, n° 22-17.934

Cass. civ. 1ère, 20 décembre 2023, n° 22-17.934 

 

Prêt immobilier – Contrat de prêt souscrit en franc suisses – Risque de change – Emprunteurs – Risque de dépréciation – Clause abusive – Déséquilibre significatif 

 

 

EXTRAITS : 

 

« En statuant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ». 

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, une banque a consenti à des emprunteurs un prêt immobilier souscrit en francs suisses, à taux variable, indexé sur le Libor franc suisse 3 mois. À la suite du défaut de remboursement d’échéances, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt. Les emprunteurs ont assigné la banque en annulation du contrat de prêt, constat du caractère abusif de la clause de change et en indemnisation en raison de manquements à ses devoirs d’information et de conseil. 

 

La clause du prêt stipulait que l’emprunteur assume les conséquences de l’évolution du taux de change. 

   

La Cour de cassation rappelle qu’en vertu du Code de la consommation, les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrats sont abusives. Cependant, l’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

 

La Cour de cassation rappelle également la décision de la CJUE du 10 juin 2021 (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19), qui avait jugé que dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, le professionnel doit fournir au consommateur des informations suffisantes et exactes pour lui permettre de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et le risque réel auquel il s’expose.  

La Cour d’appel avait rejeté la demande tendant à voir réputer non écrite la clause du prêt car celle-ci relève de l’objet principal du contrat de prêt et est rédigée de manière claire et compréhensible, dès lors que le risque lié à l’évolution défavorable du taux de change était mentionné dans l’acte de prêt et dans l’avenant, et que la banque avait fait signer aux emprunteurs une attestation selon laquelle ils déclaraient accepter ces risques.  

 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que ces preuves sont insuffisantes pour justifier l’absence de caractère abusif de la clause. En effet, la Cour de cassation rappelle que la banque doit fournir aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives d’une telle clause en cas de dépréciation importante de la monnaie.  

 

Voir également : 

-  Décision attaquée : CA Colmar, 9 mars 2022, n°19/03060 

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19