CA Montpellier, 26 septembre 2024, RG n°23/00827
Contrat de prêt immobilier – clause de déchéance du terme – délai raisonnable de régularisation de l’arriéré de paiement – clause de stipulation des intérêts de retard
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EXTRAITS :
« 15- l’acte de prêt contient pages 7 et 8 un paragraphe dénommé DECHEANCE DU TERME EXIGIBILITE DU PRESENT PRET ainsi libellé :
- a) le prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, par la seule survenance de l’un quelconque des événements ci-après et sans qu’il soit besoin d’aucun préavis et d’aucune formalité judiciaire :
– en cas de diminution de la valeur de la garantie
– en cas de non paiement des sommes exigibles ou d’une seule échéance, malgré une mise en demeure de régulariser, adressée à l’emprunteur, par tout moyen et restée sans effet pendant 15 jours.
16- une telle clause, qui laisse aux co-emprunteurs solidaires, un délai raisonnable de quinzaine pour régulariser l’arriéré et éviter ainsi l’exigibilité immédiate du capital ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable.
17- la banque, en exécution de cette clause d’exigibilité, a adressé par courrier recommandé du 27 avril 2021, délivré à madame le 30 avril 2021, pli avisé et non réclamé à monsieur à la même date, une mise en demeure de procéder, dans un délai de quinze jours à réception, au versement de la somme de 3509,02€.
18- la banque n’a appliqué la déchéance du terme que par courrier recommandé du 1er juin 2021, retiré par madame le 4 juin et par monsieur le 8 juin.
19- ainsi, en laissant à chaque emprunteur solidaire un délai raisonnable pour parvenir à régulariser l’arriéré de manière à éviter l’exigibilité immédiate du capital, la banque, en appliquant largement la clause d’exigibilité, n’a commis aucune faute dans l’exécution contractuelle.
Le prononcé de la déchéance du terme est régulier et produit ses effets.
20- la clause de stipulation des intérêts de retard est ainsi libellée :
‘Toute somme non payée à son échéance ou à sa date d’exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d’intérêts de retard dont le taux est précisé au paragraphe ‘taux des intérêts de retard’ ou pour les prêts soumis au code de la consommation au paragraphe ‘défaillance de l’emprunteur’.
Ce dernier paragraphe distingue la situation de la défaillance de l’emprunteur sans déchéance du terme, auquel cas le capital restant dû produira, de plein droit à compter du jour du retard, un intérêt majoré de trois points qui se substituera au taux d’intérêt annuel pendant toute la période de retard de la situation de la défaillance de l’emprunteur avec défaillance du terme auquel cas le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts mais non payés, les sommes dues restant produisant un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt, le prêteur demandant en outre une indemnité égale à 7% des sommes dues en capital et en intérêts échus.
21- l’article L312-22 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l’espèce, disposait que :
‘En cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans des limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.’
22- la clause relative aux intérêts de retard insérée à l’acte de prêt est donc une déclinaison conforme aux dispositions légales applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L132-1 du code de la consommation pas plus que son exécution n’est constitutive d’une faute de la banque.
La clause de stipulation des intérêts de retard est régulière et produit ses effets. »
ANALYSE :
En l’espèce, la banque Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (CRCAM), a consenti à deux époux, le 11 août 2008, un prêt immobilier d’un montant total de 106 000€, produisant des intérêts à un taux annuel de 5,3% et remboursable en 300 mensualités (25 ans).
Suite à la séparation du couple de co-emprunteurs en 2014, une ordonnance de non-conciliation en date du 10 octobre 2016 a mis à la charge exclusive de l’ex-époux les mensualités de l’emprunt, le bien financé étant son bien propre. Le jugement prononçant le divorce a été rendu en 2018.
Après le défaut persistant du paiement des échéances, à compter du 15 novembre 2020, la banque a mis en demeure les ex-époux de régulariser leur situation par deux courriers recommandés avec avis de réception, en date des 27 avril et 1er juin 2021. La mise en demeure étant restée lettre morte, cela a entraîné l’application de la déchéance du terme.
La banque a finalement assigné en paiement les co emprunteurs le 24 août 2021, et obtenu du Tribunal judiciaire de Perpignan leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes. Chacun des ex-époux a interjeté appel de la décision de première instance. Dans ses conclusions, la débitrice a invoqué le caractère abusif des clauses de déchéance du terme et de stipulation des intérêts de retard contenues dans le contrat de prêt immobilier, ainsi qu’une faute de la banque dans la mise en œuvre de la première clause. Elle s’est fondée, entre autres, sur la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêts du 22 mars 2023, n°21-16.476 et n°21-16.044)
La Cour d’appel de Montpellier a examiné ces deux clauses et recherché si elles créaient respectivement un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de l’ancien article L.132-1 du Code de la consommation, applicable au litige.
Concernant la clause de déchéance du terme, la Cour a d’une part estimé que le délai prévu pour régulariser l’arriéré de paiement des échéances, de 15 jours suivant la mise en demeure des emprunteurs, était raisonnable en ce qu’il leur laissait suffisamment de temps pour réagir et éviter la mise en œuvre de l’exigibilité immédiate du prêt. On observera que la Cour de cassation avait jugé qu’un délai de 8 jours n’était pas raisonnable (Civ. 1e, 22 mars 2023, n°21-16.044). D’autre part, la Cour a relevé que la banque avait en l’espèce fait preuve d’une certaine souplesse dans l’exécution de cette clause, en ce qu’elle avait finalement prononcé la déchéance du terme un mois entier après la réception par les intéressés de la mise en demeure. La Cour a sur ce point conclu que la clause n’était pas abusive et que la banque n’avait commis aucune faute dans sa mise en œuvre.
Concernant la clause de stipulation des intérêts de retard, la Cour a relevé qu’elle constituait la déclinaison conforme de l’article L.312-22 ancien du Code de la consommation, et qu’ainsi, elle n’entrainait pas de déséquilibre significatif à la défaveur des co emprunteurs.
La Cour a finalement écarté le caractère abusif de ces clauses.
Voir également :
Civ. 1e, 22 mars 2023, n°21-16.476
Civ. 1e, 22 mars 2023, n°21-16.044