Cour de justice de l'Union européenne
Le juge national peut substituer une disposition à une clause abusive si l’annulation du contrat expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables

CJUE, 24 octobre, C-211/17 - Topaz

CJUE, 24 octobre, C-211/17 – Topaz 

Sanction des clauses abusives – Substitution à une clause abusive  

EXTRAIT : 

« L’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national ne peut pas remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision sauf si ce contrat ne peut subsister en cas de suppression de ces clauses abusives et que l’annulation dudit contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle, d’abord, le principe selon lequel le juge national ne peut réviser le contenu d’une clause  (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 53 ainsi que jurisprudence citée) dès lors que cette possibilité reviendrait « à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives ». En effet, « ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée). 

Ensuite, la Cour rappelle également qu’une exception existe lorsque le contrat en cause « ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive ». En pareille hypothèse, le juge national serait en mesure, en application de principes du droit des contrats, de « substitu[er] une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 56 ainsi que jurisprudence citée) (point 71). Cette substitution est alors conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, « dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives» (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 57 ainsi que jurisprudence citée) (point 72). 

En l’espèce, la Cour relève que « le contrat en cause est un contrat de promesse de vente et d’achat d’immeuble, qui est résolu de plein droit si le promettant-acquéreur se trouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement », ce qui a pour conséquence que « la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans le contrat en cause permettent au promettant-vendeur de conserver de plein droit les sommes déjà versées par le promettant-acquéreur, auxquelles vient s’ajouter une pénalité fixée à 30 % du prix de vente. » Elle conclut alors que c’est à la juridiction nationale de vérifier « si la suppression de cette clause aurait pour conséquence que le contrat en cause ne pourrait plus subsister » (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 60) (point 75).  

Ainsi, si l’annulation du contrat litigieux expose les consommateurs à des conséquences particulièrement préjudiciables, la Cour rappelle que « le juge national pourrait décider de substituer aux clauses litigieuses une disposition de droit national à caractère supplétif » (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, points 61 ainsi que 62) (point 76). À l’inverse, si le contrat peut subsister sans les clauses, alors que le juge national les considèrerait comme abusives, il devrait se contenter « d’écarter l’application de ces clauses, sauf si le consommateur s’y oppose ».