TJ de Paris, 5 novembre 2024, RG n° 22/04005
Contrat de prêt — devise étrangère — transparence – déséquilibre significatif – devoir d’information du banquier
EXTRAITS :
«[le tribunal relève qu’] En application des dispositions susvisées du code de la consommation, il convient donc d’examiner si ces stipulations sont rédigées de façon claire et compréhensible et, en cas contraire, d’apprécier si elles créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. »
ANALYSE :
Le 16 mars 2009, un couple a souscrit auprès d’une banque un prêt libellé en devise étrangère. L’épouse a adhéré, par l’intermédiaire de son prêteur, à l’assurance emprunteur proposée par cette banque. Le 31 mars 2016, à la suite du divorce des emprunteurs, la banque a consenti au transfert de la totalité du prêt à l’ex-mari et un procédé à la résiliation de l’assurance emprunteur de l’ex-épouse. En 2020, l’emprunteur décède, laissant pour unique héritière sa fille, née de son union avec l’ex-épouse. Le 10 septembre 2021, la banque informe l’ex-épouse, agissant dans l’intérêt de sa fille mineure, d’une prise en charge à hauteur de 100 % du capital restant dû, assortie d’un second décompte. L’ex-épouse assigne alors la banque et à la société d’assurance, contestant certaines clauses qu’elle estime abusives dans le cadre du contrat souscrit.
Dans cette décision, le tribunal relève, dans un premier temps, que les stipulations contractuelles manquent de clarté et de compréhension, notamment en raison de l’insuffisance des explications fournies aux emprunteurs concernant les mécanismes financiers sous-jacents. Ces derniers présentent une technicité manifeste, privant les ex-époux des informations nécessaires à une prise de décision éclairée. Le tribunal conclut ainsi à un défaut de transparence imputable au prêteur dans ses relations avec ses clients. Dans un second temps, le tribunal a mis en évidence un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur. Le prêt ne comporte en effet aucune disposition visant à limiter l’impact du risque d’augmentation substantielle du capital restant dû en fonction des fluctuations du taux de change pendant l’exécution du contrat, ni des mesures pour atténuer les conséquences d’un éventuel défaut de paiement. Or, en respectant l’exigence de transparence à l’égard des emprunteurs, le prêteur ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les ex-époux acceptent un tel risque. Ainsi, le tribunal en déduit l’existence de clauses abusives qui seront réputées non écrites et le contrat restera applicable dans ses autres stipulations, à la condition qu’il puisse subsister sans les clauses ainsi écartées.
Voir également :
Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135