Cour de cassation
Le demandeur d’emploi souscripteur d’un contrat de formation professionnelle n’est pas un consommateur bénéficiant de la législation sur les clauses abusives

Cass. civ. 1ère , 9 mars 2022, 21-10.487

Cass. civ. 1 ère , 9 mars 2022 n° 21-10.487 

EXTRAITS : 

« Ayant relevé que Mme [V] était inscrite auprès de Pôle emploi en tant que demandeur d’emploi, que son statut était régi par les dispositions spéciales du code du travail et qu’elle avait conclu un contrat de formation pour acquérir et faire valider des connaissances en naturopathie, en partie financé par Pôle emploi, le tribunal en a exactement déduit qu’au regard de la finalité professionnelle de ce contrat, celle-ci ne pouvait être qualifiée de consommatrice, de sorte qu’elle ne pouvait ni invoquer la prescription biennale de l’article L. 218-2 du code de la consommation ni se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l’article L. 212-1 du même code ». 

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, une personne physique demandeur d’emploi conclut un contrat de formation professionnel, financé en partie par pôle emploi, avec un organisme de formation pour acquérir des connaissances en naturopathie. Le demandeur d’emploi ayant résilié le contrat de formation pour motif personnel, l’organisme de formation a agi contre lui en paiement d’un reliquat de la formation.  

La personne physique demandeur d’emploi s’est fondée sur deux articles du code de la consommation, à savoir la prescription biennale telle qu’énoncée à l’article L. 218-2 et la législation sur les clauses abusives prévue à l’article L. 212-1 

Toutefois, elle sera déboutée de ses demandes et formera un pourvoi en cassation, la Cour d’appel estimant qu’elle « ne pouvait être qualifiée de consommatrice car elle avait agi dans un cadre professionnel en souscrivant un contrat de formation professionnelle ». 

A l’appui de son pourvoi, la requérante faisait valoir que le consommateur se définit comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » et que tel est le cas d’un demandeur d’emploi qui souscrit une formation professionnelle.  

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé au visa de l’article liminaire du code de la consommation qui définit le champ d’application du droit de la consommation. Selon cet article, on entend par :  

« – consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. 

– non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. 

– professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »  

L’arrêt relève que, selon la jurisprudence de Cour de justice de l’Union européenne « seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, fût-elle prévue pour l’avenir, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d’un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible ». Ce faisant, elle s’appuie sur plusieurs décisions de la CJUE qui ont pour point commun de statuer sur l’application des règles de compétence juridictionnelle protectrices du « consommateur » posée par la convention du Bruxelles du 27 deptembre 1968 puis par le règlement Bruxelles I bis. Dans ces décisions la CJUE adopte une interprétation restrictive de la notion de consommateur, laquelle doit s’opérer en se référant à la position de la personne dans le contrat « en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci, et non pas à la situation subjective de cette même personne » (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, Benincasa, pts 16 et 17). 

Dans deux de ces décisions, la CJUE avait eu précisément à statuer sur le cas d’une personne ayant contracté pour une activité professionnelle future. La Cour de justice avait jugé qu’un demandeur qui a conclu un contrat en vue de l’exercice d’une activité professionnelle non actuelle mais future ne peut être considéré comme un consommateur (CJCE, 3 juillet 1997, C-269/95, Benincasa) et que la protection particulière en matière de compétence juridictionnelle «  ne se justifie pas en cas de contrat ayant pour but une activité professionnelle, fût-elle prévue pour l’avenir, étant donné que le caractère futur d’une activité n’enlève rien à sa nature professionnelle » (CJUE, 14 février 2019, C-630/17, point 89). 

Voir également : 

- CJCE, 3 juillet 1997, Benincasa, C-269/95, points 16 et 17 

– CJCE, 20 janvier 2005, Gruber, C-464/01, point 36 

– CJUE, 25 janvier 2018, Schrems, C-498/16 

– CJUE, 14 février 2019, Milivojević, C-630/17, point 89