Cour d'appel
Dans un contrat de prêt, la clause de déchéance du terme peut être abusive dès lors le prêteur prévoit, de manière non claire et compréhensible, une résiliation de plein droit sans préavis raisonnable en cas de mensualités impayées

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 29 juin 2023 nº 23/00740

 COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 29 juin 2023 nº 23/00740 

– déséquilibre significatif – déchéance du terme – exigibilité – contrat de prêt –  

 

 

EXTRAITS 

 

Il est de droit ( 1ère Civ., 22 mars 2023, pourvoi nº 21-16.044) que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d’un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi nº 2008-776 du 4 août 2008. » 

 

ANALYSE 

 

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisi à la suite d’un litige opposant la banque la Société générale et des époux emprunteurs dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier.  

L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de déchéance du terme permettant au professionnel d’exiger un remboursement anticipé et immédiat en cas de non-paiement à l’échéance sans possibilité de régularisation de l’impayé.  

 

Le Fonds Commun de Titrisation Castanea venant aux droits de la Société générale, qui poursuit le recouvrement d’une créance contenant prêt des deux sommes par la saisie immobilière du bien de ses débiteurs, a saisi le juge de l’exécution.  

Un jugement a été rendu le 6 janvier 2023 par le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière du tribunal judiciaire de Versailles qui a constaté la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à l’encontre des emprunteurs.  

Le Fonds Commun de Titrisation Castanea a interjeté appel de ce jugement.  

 

Les époux emprunteurs soutiennent que le créancier ne dispose pas d’une créance exigible mais surtout que la clause d’exigibilité anticipée contenue dans le prêt constitue une clause abusive. La Cour d’appel fait droit à leur demande. 

La clause d’exigibilité anticipée revêt en effet selon la Cour de toutes les caractéristiques d’une clause abusive, tant au regard du droit communautaire que du droit national, le déséquilibre significatif résultant d’une part du caractère discrétionnaire et unilatéral en faveur de la Société Générale, renforcé par les termes vagues employés, et d’autre part, de la sévérité de la clause, qui peut être mise en oeuvre à partir d’une seule mensualité, pour un prêt de 300 mensualités, et sans possibilité de régularisation de l’impayé. 

 

Conformément à la jurisprudence européenne (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21) également mise en œuvre par la Cour de cassation dans la décision sur laquelle elle se fonde (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476), la Cour d’appel déboute le Fonds Commun de Titrisation Castanea de ses demandes au motif que la clause de déchéance du terme dont la Société Générale a fait application constitue une clause abusive, qui doit pour ce motif être écartée. 

 

 

Voir également : Cour d’appel de Colmar, 11 décembre 2023, SA Eurotitrisation, RG n° 23/00903