Cour de justice de l'Union européenne
La Cour de justice précise comment sont évalués les effets défavorables de l’annulation d’un contrat de prêt indexé sur une devise étrangère comportant une clause abusive

CJUE, 3 octobre 2019, C-260/18, Dziubak

CJUE, 3 octobre 2019, C-260/18, Dziubak   

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6 §1 – Contrat de prêt libellé en devise étrangère – Conséquences de la constatation du caractère abusif d’une clause – Invalidation du contrat de prêt – Pouvoir du juge national.

EXTRAITS : 

1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale, après avoir constaté le caractère abusif de certaines clauses d’un contrat de prêt indexé sur une devise étrangère et assorti d’un taux d’intérêt directement lié au taux interbancaire de la devise concernée, considère, conformément à son droit interne, que ce contrat ne peut pas subsister sans ces clauses au motif que leur suppression aurait pour conséquence de modifier la nature de l’objet principal dudit contrat.

2) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, d’une part, les conséquences sur la situation du consommateur provoquées par l’invalidation d’un contrat dans son ensemble, telles que visées dans l’arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C-26/13, EU:C:2014:282), doivent être appréciées au regard des circonstances existantes ou prévisibles au moment du litige, et que, d’autre part, aux fins de cette appréciation, la volonté que le consommateur a exprimée à cet égard est déterminante. 

3)  L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’il soit remédié aux lacunes d’un contrat, provoquées par la suppression des clauses abusives figurant dans celui-ci, sur la seule base de dispositions nationales à caractère général prévoyant que les effets exprimés dans un acte juridique sont complétés, notamment, par les effets découlant du principe d’équité ou des usages, qui ne sont pas des dispositions supplétives ni des dispositions applicables en cas d’accord des parties au contrat. »   

4)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose au maintien des clauses abusives figurant dans un contrat lorsque leur suppression conduirait à l’invalidation de ce contrat et que le juge estime que cette invalidation créerait des effets défavorables pour le consommateur, si ce dernier n’a pas consenti à un tel maintien.   

ANALYSE : 

L’arrêt Kásler avait autorisé le juge à remplacer la clause abusive par une disposition supplétive si le contrat ne peut être maintenu sans la clause et si la nullité ainsi encourue doit se révéler préjudiciable au consommateur, notamment lorsqu’elle rend exigible le montant du prêt restant dû( {CJUE, 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C-26/13, EU:C:2014:282)}. La présente décision ajoute que le consommateur ne doit pas avoir consenti au maintien du contrat. 

La CJUE circonscrit le type de dispositions supplétives que le juge peut substituer à la clause litigieuse. Il ne doit pas s’agir de dispositions qui, telles que la référence aux usages, supposent une « marge d’interprétation ou de « création » de la part du juge ».