Cour de justice de l'Union européenne
Les clauses résolutoires expresses et les clauses pénales en la faveur exclusive du professionnel et qu’il a rédigé préalablement peuvent constituer des clauses abusives

CJUE, 24 octobre 2019, C-211/17 - Topaz

CJUE, 24 octobre 2019, C-211/17 – Topaz  

Annexe directive clauses abusives, point 1, sous d) à f) – Clause pénale – Clause résolutoire expresse – caractère abusif 

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale, telles que celles en cause au principal, contenues dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, établies exclusivement en faveur de ce dernier et qu’il a rédigées préalablement, sont susceptibles de constituer des clauses abusives visées au point 1, sous d) à f), de cette annexe, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier. » 

ANALYSE : 

Avant de donner ses indications sur les clauses litigieuses, la Cour rappelle la portée de l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, sur laquelle le juge national peut s’appuyer. Ainsi, « une clause d’un contrat donné qui correspondrait à l’une de celles figurant dans cette liste ne devrait pas pour autant nécessairement être tenue pour abusive » (point 54).  

En premier lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous d), peut être qualifiée d’abusive « une clause qui a pour objet ou effet « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce » ».  

En l’espèce, la Cour de justice relève que le professionnel a la possibilité de considérer que le contrat est résolu de plein droit « au motif que le consommateur se trouve en retard de paiement, et ce quel que soit le montant concerné. En pareille hypothèse, [il] peut en outre conserver par-devers lui les sommes versées par le consommateur à titre d’avance, sans que le consommateur puisse prétendre à une indemnité de ce chef » (point 56). La Cour conclut alors que « en autorisant le professionnel à retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat en cause, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est ce dernier qui peut se voir reprocher des manquements contractuels, la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans ce contrat semblent relever de l’annexe, point 1, sous d), de la directive 93/13 » (point 57).  

En deuxième lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous e), peut être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionné. 

En l’espèce, la Cour relève que « dans l’hypothèse où le consommateur accuse un retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement et quel que soit son montant, le contrat en cause prévoit qu’il doit verser une pénalité conventionnellement fixée à 30 % du prix de vente. En outre, le paiement de cette pénalité n’empêche pas le professionnel de demander au consommateur des dommages-intérêts. » Elle en conclut alors que « les clauses du contrat en cause qui semblent ainsi établir des sanctions automatiques et disproportionnées par rapport à la nature de l’éventuel manquement du consommateur, devraient dès lors pouvoir être déclarées abusives, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous e), de celle-ci » (point 59).  

En troisième et dernier lieu, au titre de l’annexe, point 1, sous f), peut être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire, alors que la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat. 

En l’espèce, la Cour relève que « la clause résolutoire expresse prévue par le contrat en cause permet au professionnel de postuler la résolution de plein droit de ce contrat en cas d’inexécution mineure, telle que le retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, alors qu’il s’agit d’un contrat immobilier portant sur plusieurs années. » Elle en conclut alors qu’ « une telle possibilité de résolution ne paraissant […] pas prévue au profit des consommateurs, cette clause semble devoir relever de l’annexe, point 1, sous f), de la directive 93/13 » (point 61).