Cour d'appel
Contrats de téléphonie portable

CA PARIS 30-03-18 RG1508688

Analyse 1 : « facture » des conditions communes aux offres d’abonnement – dématérialisation de la facture – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause prévoyant que l’abonné, en acceptant les conditions communes d’abonnement et d’utilisation de l’opérateur, est informé de la nature du support, papier ou dématérialisé, sur lequel ses factures seront émises, dès lors que celui-ci peut opter à tout moment pour une facture sur support papier à la place du support dématérialisé proposé par l’opérateur.

 

Analyse 2 : modalités d’accès aux services – délai de traitement des demandes d’abonnement – dépôt de garantie ou avance sur consommation – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause prévoyant que l’opérateur dispose d’un délai pour traiter les demandes d’abonnement envoyées par voie postale, dès lors qu’un tel délai apparaît légitime.

N’est pas non plus abusive la clause prévoyant un dépôt de garantie ou une avance sur consommation dans la mesure où elle permet à l’opérateur de s’assurer une garantie financière et n’a aucun lien avec le traitement du dossier.

 

Analyse 3 : carte SIM – responsabilité de l’utilisation et de la conservation de la carte du titulaire – exclusion de la responsabilité de l’opérateur – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause qui prévoit que l’abonné est seul responsable de l’utilisation et de la conservation de la carte SIM, que tout usage frauduleux de celle-ci ou contraire aux présentes conditions engage la responsabilité personnelle de l’abonné et que la responsabilité de l’opérateur ne peut être engagée en cas d’utilisation des services de l’opérateur consécutive à une divulgation, une désactivation, une perte ou un vol du code d’accès confidentiel associé à chaque carte SIM et plus généralement, d’utilisation dudit service par une personne non autorisée, non consécutive à une faute de l’opérateur, dès lors que :

  • Le fait que la responsabilité de l’utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire ne signifie pas que le cas de force majeure ou du fait d’un tiers présentant les caractères de la force majeure serait écarté de manière automatique ;
  • Qu’il appartient à l’abonné de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer la confidentialité des données afférentes à son code d’accès confidentiel de la carte SIM, la garde de la carte lui ayant été transférée lors de la souscription de l’abonnement ;
  • Que le dernier alinéa de la clause vise le cas d’exclusion de la responsabilité de SFR qui doit rapporter la preuve en cas de divulgation, de désactivation, de perte ou de vol du code d’accès confidentiel de la carte SIM.

 

Analyse 4 : perte de la carte SIM – interruption du service – paiement pendant la période de suspension – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause qui prévoit qu’en cas de perte ou de vol de sa carte SIM, l’abonné en informe immédiatement l’opérateur par téléphone et sa ligne est mise hors service dès réception de l’appel, qu’il doit confirmer le vol ou la perte par lettre recommandée avec accusé de réception accompagnée en cas de vol, d’une copie du dépôt de la plainte déposée auprès du commissariat ou des autorités compétentes et que le contrat reste en vigueur et les redevances d’abonnement sont facturées pendant la période durant laquelle la ligne est suspendue, l’opérateur ne pouvant être tenu responsable des conséquences d’une déclaration de vol ou de perte, faite par téléphone, télécopie, télégramme ou tout autre moyen similaire, qui n’émanerait pas de l’assuré dans la mesure où :

  • Il n’est pas établi pas en quoi la confirmation écrite entrainerait un déséquilibre significatif au détriment de l’abonné dès lors que l’interruption intervient immédiatement dès communication de l’information par téléphone, évitant ainsi toute utilisation frauduleuse de la ligne, procédure de confirmation qui d’ailleurs n’exonère pas l’opérateur de sa responsabilité, l’exigence d’une copie de dépôt de plainte en cas de vol ayant pour but de se prémunir contre la fraude ;
  • Le paiement pendant la période de suspension du fait de la perte ou du vol de la carte SIM répond au maintient du contrat d’abonnement et à l’obtention d’une nouvelle carte SIM ;
  • L’exonération de responsabilité de l’opérateur en cas de déclaration faite par un tiers résulte de l’impossibilité d’identification certaine que l’appel émane de l’abonné.

 

Analyse 5 : dépôt de garantie/avance – clause abusive (non)

Le fait de prévoir contractuellement que des abonnements souscrits par l’abonné auprès de l’opérateur seront interdépendants les uns des autres et qu’un incident de paiement intervenu sur un des contrats d’abonnement en cours pourrait entraîner une avance sur facturation (avant l’échéance de la facturation contractuelle) pour un autre abonnement, ne constitue pas une clause abusive, l’opérateur n’ayant pas l’obligation de procéder à une avance de fonds pour permettre à l’abonné de continuer à bénéficier des prestations sans aucune certitude pour l’opérateur de récupérer les sommes dues au titre des abonnements et des consommateurs.

 

Analyse 6 : durée du contrat – prolongation de la période d’engagement – souscription d’une nouvelle offre d’abonnement – clause abusive (oui)

Est abusive la clause stipulant que si l’abonné souscrit en cours d’exécution du contrat une offre spécifique impliquant une période minimale d’abonnement, cette nouvelle période minimale prend effet au jour suivant la date de la souscription de l’offre et se substitue à celle qui était en cours, sauf dans les cas où la nouvelle période d’engagement est d’une durée inférieure à celle qui était en cours, dès lors que l’opérateur n’établit pas que l’abonné a une connaissance réelle de la prolongation de la durée de la période d’engagement en cas de souscription de sa part à une nouvelle offre d’abonnement alors que cette nouvelle période d’engagement serait inférieure à celle qui est en cours.

 

Analyse 7 : restriction de la ligne de l’abonné – non-paiement des prestations – interdépendance des contrats – clause abusive (non)

L’interdépendance des lignes des abonnements, entraînant que le non-paiement par l’abonné des prestations fournies par l’opérateur pour l’un des contrats d’abonnement aura des effets sur d’autres abonnements souscrits par l’abonné telles que la restriction des prestations sur ces abonnements dès lors que cela est expressément prévu, n’apparaît pas comme constitutif d’une clause abusive.

Les termes de « contestation sérieuse dûment motivée » ne signifient pas que l’opérateur dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’interprétation et d’appréciation du motif mais exige de l’abonné qu’il motive son refus de restriction d’accès aux autres lignes téléphoniques dont il dispose encadrant par là même le pouvoir de restriction d’accès à d’autres lignes de l’opérateur.

 

Analyse 8 : obligations de l’opérateur – responsabilité de l’opérateur en cas de perturbations ou interruptions – clause abusive (oui)

Est abusive la clause qui exonère l’opérateur de toute responsabilité en cas de perturbations ou d’interruptions qui ne lui seraient pas directement imputables, le fait d’un tiers ne pouvant exonérer le prestataire de services à distance que s’il est imprévisible et insurmontable.

Cette formulation est en outre trop imprécise et peut laisser croire que l’opérateur n’est tenu qu’à une obligation de moyen et non à une obligation de résultat comme cela résulte de l’article L. 121-19-4 du code de la consommation.

 

Analyse 9 : disponibilité du réseau – droit à réparation pour non-disponibilité de l’accès au réseau – charge de la preuve – clause abusive (oui)

Est abusive la clause qui, de façon ambiguë, fait porter la charge de la preuve de la non-disponibilité de l’accès au réseau sur l’abonné alors que l’obligation de fourniture du service est une obligation de résultat et que cette clause accorde à l’opérateur un pouvoir discrétionnaire d’apprécier la recevabilité de la demande de compensation.

 

Analyse 10 : débits – niveau de qualité minimum garanti – clause abusive (oui)

L’opérateur ne peut garantir la fourniture d’un débit réel annoncé dès lors que celui-ci dépend de circonstances extérieures à l’opérateur, tenant notamment au matériel utilisé et aux réseaux, il n’en demeure pas moins que la clause, qui ne mentionne pas un débit minimum, ne respecte pas l’arrêté du 16 mars 2006 exigeant un niveau de qualité minimum garanti.

 

Analyse 11 : conservation du code secret – preuve d’une utilisation en fraude de ses droits – preuve de l’utilisation du code secret – responsabilité de l’abonné pour la conservation de ses données – clause abusive (non)

N’emporte pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur la clause qui laisse à l’abonné la faculté de rapporter la preuve d’une utilisation en fraude de ses droits dont il a seul la maîtrise.

Il est en est de même pour la preuve d’une utilisation de son code secret en raison de l’intervention d’un tiers présentant les caractéristiques de la force majeure ou en raison d’une défaillance ou de la faute de l’opérateur lui-même, preuve que la clause n’a pas pour effet de priver l’abonné de rapporter.

Cette clause signifie que l’abonné est responsable de la conservation de ses données et doit prendre les mesures nécessaires pour les conserver.

 

Analyse 12 : violation des dispositions légales par l’abonné – suspension par l’opérateur – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause qui prévoit qu’en cas de violation des dispositions légales, notamment en matière d’ordre public et de bonnes mœurs, ou en cas d’agissements de nature à perturber le réseau de l’opérateur ou le réseau Internet, l’opérateur se réserve le droit de suspendre immédiatement les services d’accès au réseau Internet, dès lors qu’il ne peut énumérer limitativement tous les cas visés, définit clairement les hypothèses visées telles que la violation de la loi notamment en matière d’ordre public et de bonnes mœurs, les agissements perturbant le réseau, de telle sorte que le domaine de suspension immédiate prévue au contrat est circonscrit et qu’il n’est pas conféré à l’opérateur un droit d’interprétation exclusif.

 

Analyse 13 : augmentation substantielle des consommations – limitation d’accès aux services – délai de prévenance – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause prévoyant qu’en cas d’augmentation substantielle des consommations de l’abonné, l’opérateur peut restreindre l’accès à tout ou partie des services souscrits par l’abonné, après en avoir avisé l’abonné par tout moyen dès lors que :

  • La notion d’augmentation substantielle est suffisamment précise sans que l’on puisse reprocher à l’opérateur de bénéficier d’un droit d’interprétation exclusif ;
  • L’abonné est nécessairement prévenu avant toute limitation d’accès aux services et peut immédiatement demander à l’opérateur de rétablir la ligne sur simple appel téléphonique ;
  • L’absence de délai de prévenance ne peut créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties.

 

Analyse 14 : maintien de la facturation en cas de suspension des services – clause abusive (non)

La clause prévoyant le maintien de la facturation en cas de suspension des services n’est pas abusive dès lors que le maintien de la facturation a pour contrepartie le maintien du contrat d’abonnement et de certaines prestations, de sorte qu’elle n’est pas sans cause.

 

Analyse 15 : fin du contrat et résiliation en cas d’inaccessibilité des services complémentaires et/ou optionnels – clause abusive (oui)

Est abusive la clause qui empêche l’abonné, en cas d’inaccessibilité des services complémentaires et/ou optionnels, de résilier son contrat.

 

Analyse 16 : vol ou perte du mobile – motif légitime de résiliation (non) – cas de force majeure (non) – clause abusive (non)

N’est pas abusive la clause prévoyant que l’abonné peut résilier le contrat pour des motifs légitimes, c’est-à-dire en cas de survenance en cours de contrat d’un évènement imprévisible l’empêchant d’en poursuivre l’exécution et précisant toutefois que le vol ou la perte du téléphone mobile ne peut être considéré comme un motif légitime dès lors que les offres de renouvellement de mobile sont proposées par l’opérateur.

En effet, le vol ou la perte du portable n’empêche pas la poursuite du contrat de service moyennant l’acquisition d’un nouveau téléphone, le vol ou la perte ne sont pas constitutifs d’un cas de force majeure et il n’est pas justifié en quoi cette clause serait constitutive d’un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dès lors qu’elle énumère de manière limitative les motifs légitimes pour lesquels l’abonné peut résilier son contrat.

 

Analyse 17 : modification du tarif – résiliation en cas d’augmentation du tarif – clause abusive (oui)

En ne visant que la possibilité pour l’abonné de résilier son contrat en cas d’augmentation du tarif du service principal sans faire référence aux services optionnels et/ou complémentaires et sans renvoyer à une autre clause qui y ferait référence, la clause est contraire à l’article L. 121-84 du code de la consommation devenu L. 224-29 du même code et doit donc être supprimée car abusive.