Cour de justice de l'Union européenne
La clause de renonciation du consommateur aux actions en justice fondées sur les droits qu’il détient en vertu de la directive 93/13 est abusive

CJUE, 9 juillet 2020-C-452-18-Ibercaja Banco 

Clause abusive – Renonciation aux prétentions futures – renonciation aux droits du consommateur 

 EXTRAIT 

 « L’article 3, paragraphe 1, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens :  

 – la clause stipulée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en vue de la résolution d’un différend existant, par laquelle ce consommateur renonce à faire valoir devant le juge national les prétentions qu’il aurait pu faire valoir en l’absence de cette clause, est susceptible d’être qualifiée d’« abusive », notamment, si ledit consommateur n’a pas pu disposer des informations pertinentes lui permettant de comprendre les conséquences juridiques qui en découlaient pour lui ;  

 – la clause par laquelle le même consommateur renonce, en ce qui concerne des différends futurs, aux actions en justice fondées sur les droits qu’il détient en vertu de la directive 93/13, ne lie pas le consommateur. » 

  ANALYSE 

La CJUE se prononce sur un contrat de novation par laquelle un établissement bancaire et un consommateur ont convenu, d’une part, d’une réduction du taux de la clause « plancher » qui était applicable en vertu du contrat de prêt hypothécaire et, d’autre part, d’une renonciation mutuelle aux actions en justice relatives aux ancienne et nouvelle clauses « plancher ». 

 Première partie de la solutionLa renonciation mutuelle à toute action en justice dans le cadre d’un accord visant la résolution d’un différend né entre un professionnel et un consommateur est susceptible de relever de l’objet principal de cet accord, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive  93/13, et, en conséquence, d’échapper à l’appréciation d’un éventuel caractère abusif, dès lors qu’elle est rédigée de façon claire et compréhensible, un tel examen incombant au juge national. 

Pour cet examen, le juge doit déterminer : 

– L’étendue des informations que le professionnel devait fournir au consommateur. Pour ce faire, il doit s’appuyer sur le niveau de certitude du caractère abusif de la clause plancher initiale qui existait au moment de la conclusion du contrat de novation. Ainsi, si le caractère abusif pouvait être envisageable au moment de sa conclusion, pour qu’il s’agisse d’un fait certain, il aurait fallu que le caractère abusif soit constaté à l’occasion d’une procédure judiciaire (pt 72) 

–  Si le consommateur a été en mesure de comprendre les conséquences juridiques qui en découlent. 

  Seconde partie de la solutionLa clause de renonciation des parties au litige au principal à faire valoir leurs prétentions relatives à la nouvelle clause « plancher » devant le juge national est abusive et ne lie pas le consommateur. La solution se justifie par l’article 6, paragraphe 11 de la directive 93/13 qui a un caractère impératif (comme rappelé dans un arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 55). Ainsi, il ne peut être laissé au consommateur la possibilité de renoncer préalablement aux droits qu’il tire du système de protection de cette directive pour deux raisons : cela va à l’encontre du caractère impératif de la disposition précitée, d’une part, et mettrait en péril l’efficacité de ce système, d’autre part.  

 En droit français,  l’article 6.1 de la dir. 93/13 selon lequel  “les clauses abusives (…) ne lient pas les consommateurs” est transposé à l’article L. 241-1 du code de la consommation.