Cour de justice de l'Union européenne
Un avis non contraignant d’une juridiction ne saurait être assimilé à une disposition supplétive appelée à se substituer à une clause abusive

CJUE, 31 mars 2022, C-472/20 - Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt

CJUE, 31 mars 2022 , C-472/20 – Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt. 

Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives – Effets –Nullité du contrat – Préjudice grave pour le consommateur – Effet utile de la directive 93/13 – Avis non contraignant de la juridiction suprême – disposition de droit national à caractère supplétif 

EXTRAIT : 

« La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci ne peut, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, être assuré uniquement par un avis non contraignant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant sorti ses effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal. » 

ANALYSE : 

L’effet utile d’une directive consiste à en assurer la mise en œuvre (arrêt van Duyn du 4 décembre 1974). S’agissant de la directive 93/13/CEE, les États membres ont ainsi l’obligation de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, point 68).  

Une difficulté se pose lorsque la suppression d’une clause contractuelle abusive conduirait à la nullité du contrat de consommation. La CJUE estime que le juge national peut alors substituer à la clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif dès lors que la nullité exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, point 61). 

Suivant cette logique, la cour suprême de la Hongrie (la Kúria) avait émis un avis détaillant la marche à suivre par les juridictions inférieures confrontées à cette situation. Cet avis expliquait ainsi comment conserver la validité d’un contrat entaché d’une clause abusive en l’adaptant à la suite de la suppression de cette dernière. 

La CJUE avait déjà estimé qu’une juridiction suprême d’un État membre peut adopter des décisions contraignantes au sujet des modalités de la mise en œuvre de la directive (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C‑96/16 et C‑94/17, point 68). Toutefois elle considère qu’au contraire un avis non contraignant d’une juridiction suprême d’un État membre, tel que l’avis de la Kúria, ne saurait être assimilé à une disposition de droit national à caractère supplétif appelée à se substituer à une clause abusive. 

En définitive, l’effet utile de la directive peut être garanti par la loi nationale ou par un arrêt de la juridiction suprême nationale, mais pas par un simple avis de cette dernière qui ne fait qu’instaurer une pratique non-contraignante.