ccass140910_1220931.htm
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 10 septembre 2014
N° de pourvoi: 12-20931
Non publié au bulletin Rejet
M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président
Me Blondel, SCP Ghestin, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2012), que, victime d’un accident du travail le 20 mai 2007, Mme X… a demandé à la Compagnie Y…… (la société), en exécution du contrat d’assurance de groupe auquel elle avait adhéré, de prendre en charge les mensualités d’un prêt immobilier souscrit auprès de la caisse de Crédit Z… ; que la société a tout d’abord accordé sa garantie, avant de la refuser à compter du 27 novembre 2007 ; que Mme X… a assigné la société afin d’obtenir le rétablissement de la couverture du risque ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, que dans son rapport d’expertise médicale du 27 novembre 2007, M. Y…, médecin-conseil de la société d’assurance, n’a nullement écrit que Mme X… était capable d’exercer une activité professionnelle autre que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que très loin de prendre parti quant à ce, il s’est borné à conclure son rapport en énonçant que « Mlle X… est en arrêt de travail depuis le 21 mai 2007 suite à un accident survenu dans la nuit du 20 au 21 mai 2007 ayant entraîné une lésion au niveau du tendon extenseur du troisième doigt de la main droite » ; qu’en prétendant tirer de ce rapport une conclusion qui n’y figure absolument pas, la cour d’appel statue au prix d’une dénaturation par adjonction, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de preuve qui lui sont soumis ;
Mais attendu que la cour d’appel s’est manifestement référée à l’examen de contrôle médical du 27 novembre 2007, cité dans le bordereau des pièces communiquées par la société ; qu’aux termes de cet examen, Mme X… est « reconnue totalement capable d’exercer une autre activité professionnelle que celle exercée au jour du sinistre » ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :
Attendu que Mme X… fait encore grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui, s’agissant du risque d’incapacité temporaire totale, subordonne la mise en oeuvre et le maintien de la garantie à l’incapacité de l’adhérent « d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non », une définition aussi restrictive du risque d’incapacité temporaire totale revenant à vider de sa substance la garantie qui constitue la contrepartie des primes et/ou à conférer à l’assureur le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser sa garantie selon le contenu qu’il entend conférer à la notion « d’activité quelconque non professionnelle » ; qu’en validant néanmoins cette clause, la cour d’appel viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Mais attendu qu’en vertu de l’article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l’alinéa 7 du même article, l’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’en l’espèce, la clause relative à la garantie de l’incapacité temporaire totale de travail prévoit que l’assuré bénéficie d’une telle garantie lorsqu’il se trouve, à la suite d’un accident ou d’une maladie dans l’incapacité, reconnue médicalement, d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel; que cette clause, rédigée de façon claire et compréhensible, définit l’objet principal du contrat ; qu’il en résulte que, par application du septième alinéa du texte précité, le grief est inopérant ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que Mme X… fait de nouveau grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui subordonne l’octroi ou le maintien des prestations versées en exécution de la garantie incapacité temporaire totale au résultat d’un contrôle médical diligenté par l’assureur, sans que le consommateur ne soit informé de la faculté de se faire assister du médecin de son choix lors de cet examen et d’opposer, le cas échéant, les conclusions de son propre médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, au motif impropre qu’aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré, la cour d’appel viole de nouveau l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 6-4 des conditions générales du contrat d’assurance de groupe souscrit par Mme X… lui offrait la possibilité de solliciter la mise en oeuvre d’une procédure de conciliation et de tierce expertise au cours de laquelle le médecin de son choix pouvait intervenir, la cour d’appel, tenant compte de toutes les autres clauses du contrat, en a exactement déduit que la clause litigieuse ne créait aucun déséquilibre significatif au détriment de l’assuré ; que le grief n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme X…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mlle Françoise X… de sa demande tendant à ce que la compagnie Y… soit condamnée à reprendre le versement des échéances mensuelles du prêt immobilier contracté par Mlle X… auprès du Crédit Z… à compter du 27 novembre 2007, et ce jusqu’au 6 mars 2011 ;
AUX MOTIFS QUE l’article 4-3-1 des conditions générales du contrat définit l’incapacité temporaire totale comme étant « l’incapacité reconnue médicalement d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel » ; que la définition contractuelle de l’incapacité temporaire totale repose sur des critères purement médicaux et ne fait nullement référence aux dispositions du Code du travail ou du code de la sécurité sociale ; que l’article 4-3-3 des conditions générales rappelle que l’assureur n’est pas tenu de suivre les décisions de la sécurité sociale ou d’un organisme assimilé ; que l’utilisation des termes « activité quelconque, professionnelle ou non » démontre clairement que l’assureur n’entendait pas garantir la seule incapacité d’exercer l’activité professionnelle qui était celle de l’assurée au moment de son accident ; qu’en se fondant sur les dispositions de l’article 1226-7 du Code du travail, le tribunal a dénaturé les termes du contrat ; que la société CNP Assurances était donc en droit de mettre un terme au règlement des échéances du prêt en se fondant sur les conclusions de son médecin-conseil, qui avait estimé que Mlle X… était capable d’exercer une autre activité professionnelle que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que dès lors, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE les certificats médicaux que Mlle X… produit rappellent qu’elle était en arrêt de travail jusqu’au 6 mars 2011, mais ne remettent pas en cause l’avis du Dr Y… selon lequel elle était capable d’exercer une autre activité professionnelle que la sienne à compter du 27 novembre 2007 ; qu’aucun élément ne justifie donc la désignation d’un expert judiciaire ; que dans la mesure où l’assureur a respecté les dispositions du contrat et a suivi l’avis de son médecin-conseil, aucune faute ne peut lui être reprochée ;
ALORS QUE, dans son rapport d’expertise médicale du 27 novembre 2007, le Dr Y…, médecin-conseil de la compagnie Y…, n’a nullement écrit que Mme X… était capable d’exercer une activité professionnelle autre que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que très loin de prendre parti quant à ce, il s’est borné à conclure son rapport en énonçant que « Mlle X… est en arrêt de travail depuis le 21 mai 2007 suite à un accident survenu dans la nuit du 20 au 21 mai 2007 ayant entraîné une lésion au niveau du tendon extenseur du troisième doigt de la main droite » ; qu’en prétendant tirer de ce rapport une conclusion qui n’y figure absolument pas, la cour statue au prix d’une dénaturation par adjonction, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de preuve qui lui sont soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mlle Françoise X… de sa demande tendant à ce que la compagnie Y… soit condamnée à reprendre le versement des échéances mensuelles du prêt immobilier contracté par Mlle X… auprès du Crédit Z… à compter du 27 novembre 2007, et ce jusqu’au 6 mars 2011, ensemble de sa demande en paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l’article 4-3-3 des conditions générales du contrat prévoit notamment que le versement des prestations et subordonné à la présentation des justificatifs et au résultat du contrôle médical initié par l’assureur ; que ce texte ajoute que l’assureur est susceptible d’effectuer des contrôles médicaux pendant toute la durée de l’incapacité, dont la conséquence peut être la poursuite ou l’arrêt de l’indemnisation ; que Mlle X… soutient que cette clause serait abusive, au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation, au motif qu’elle n’indique pas qu’il lui était possible de se faire assister du médecin de son choix ou de produire les conclusions de son médecin traitant lors de l’examen par le médecin-conseil de l’assureur ; que toutefois, aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré ; qu’en outre, l’article 6-4 des conditions générales offre la possibilité à l’assuré de solliciter la mise en oeuvre d’une procédure de conciliation et de tierce expertise au cours de laquelle son médecin traitant peut intervenir ; que les dispositions de l’article 4-3-3 n’ont donc aucun caractère abusif ; que l’article 4-3-4 des conditions générales prévoit notamment que la prise en charge cesse à partir du moment où, après contrôle médical initié par l’assureur, l’assuré est reconnu capable d’exercer une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle ; que Mlle X… soutient que cette clause est rédigée de manière très vague et exclut toute hypothèse de prise en charge dès lors que l’assuré est reconnu apte à exercer une activité quelconque, rémunérée ou non ; que cette clause est la conséquence logique de la définition de l’incapacité temporaire totale qui figure dans l’article 4-3-1 des conditions générales ; que ses termes sont parfaitement clairs ; qu’elle n’a pas un caractère général dès lors qu’elle repose sur des critères médicaux ; que l’intimée ne peut d’ailleurs soutenir qu’elle viderait le contrat de sa substance cependant qu’elle a bénéficié de la prise en charge des échéances du prêt du 20 mai au 26 novembre 2007 ; que les dispositions de l’article 4-3-4 n’ont donc aucun caractère abusif ;
ALORS QUE, D’UNE PART, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui, s’agissant du risque d’incapacité temporaire totale (ITT), subordonne la mise en oeuvre et le maintien de la garantie à l’incapacité de l’adhérent « d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non », une définition aussi restrictive du risque d’ITT revenant à vider de sa substance la garantie qui constitue la contrepartie des primes et/ou à conférer à l’assureur le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser sa garantie selon le contenu qu’il entend conférer à la notion « d’activité quelconque non professionnelle » ; qu’en validant néanmoins cette clause, la cour viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
ALORS QUE, D’AUTRE PART, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui subordonne l’octroi ou le maintien des prestations versées en exécution de la garantie incapacité temporaire totale (ITT) au résultat d’un contrôle médical diligenté par l’assureur, sans que le consommateur ne soit informé de la faculté de se faire assister du médecin de son choix lors de cet examen et d’opposer, le cas échéant, les conclusions de son propre médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, au motif impropre qu’aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré, la cour viole de nouveau l’article L. 132-1 du code de la consommation.