Recommandation N°07-01
Services groupés de l’internet, du téléphone et de la télévision (« triple play »)

BOCCRF du 31/07/2007

La Commission de clauses abusives,
Vu le code de la consommation et, notamment, ses articles L 121-16 à L 121-20-7, L 121-83 à L 121-85, L 132-1 à L 132-5 ;
Vu le code des postes et des communications électroniques et, notamment, ses articles L 34 à L 34-5 et D 98-4 à D 98-6 ;
Vu le code civil et, notamment, ses articles 1369-1 à 1369-11 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée, sur l’informatique, les fichiers et les libertés ;
Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique et, notamment, son article 6 ;
Entendu les représentants des professionnels intéressés ;
Considérant que plusieurs fournisseurs d’accès à Internet offrent aux consommateurs, par l’intermédiaire des lignes de cuivre ou du câble, les services du téléphone, de l’Internet haut débit et de la télévision ; qu’à la fin de l’année 2006, quelque deux millions de contrats de ce type, dits contrats triple-play dans la pratique, avaient déjà été conclus et que leur nombre est appelé à se développer ;
Considérant que l’examen des modèles de convention habituellement proposés par les fournisseurs professionnels de ces services à leurs co-contractants consommateurs fait apparaître un certain nombre de clauses dont le caractère abusif, au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation, peut être relevé ;
1° – Considérant qu’il est parfois stipulé que la  » Nétiquette  » fait partie des documents contractuels que le consommateur s’engage à respecter ; que les clauses de ce type qui, sous peine de sanctions contractuelles, obligent le consommateur en vertu de ce code de bonne conduite indépendamment de toute acceptation de sa part et, le cas échéant, sans qu’il en ait eu connaissance, sont de nature à déséquilibrer de manière significative le contrat à son détriment, comme l’a déjà dit la Commission dans sa recommandation n° 03-01 relative aux contrats de fourniture d’accès à Internet ;
2°- Considérant que plusieurs contrats stipulent que le consommateur doit vérifier la compatibilité de son équipement personnel au regard des services proposés par l’opérateur et que ce dernier décline toute responsabilité à ce sujet ; qu’il est parfois ajouté que le consommateur installera le modem sous sa propre responsabilité suivant, notamment, un manuel d’utilisation fourni et consultable en ligne sur le site de l’opérateur ; que ces clauses, qui obligent le consommateur, pour bénéficier de la fourniture d’une prestation de services à caractère technique et complexe, à rechercher des informations lui permettant d’accomplir les vérifications qui lui sont imposées, en particulier au moyen de l’Internet dont il souhaite précisément se doter, sont de nature à permettre au professionnel de s’exonérer de son obligation d’information et de conseil ; que, pour cette raison, elles présentent un caractère abusif au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation ;
3°- considérant qu’il est parfois stipulé que l’opérateur ne sera tenu d’aucune responsabilité en cas d’impossibilité d’accès du consommateur aux services, et ce, quelle qu’en soit la cause ; que cette clause générale d’exclusion de responsabilité, qui englobe même le cas d’une défaillance imputable au professionnel, déséquilibre gravement le contrat au détriment du consommateur ;
4°- considérant que des contrats stipulent qu’à tout moment l’opérateur pourra demander à l’usager, à ses frais, d’effectuer des  » mises à jour logicielles « , voire de changer d’équipement terminal pour des raisons techniques ; que ces stipulations, qui permettent au professionnel de modifier unilatéralement les conditions de la fourniture du service, sans réserver au consommateur la possibilité de résilier le contrat sans pénalité pour le cas où ces nouvelles conditions ne lui conviendraient pas, contreviennent aux dispositions de l’article L 121-84 du code de la consommation ; que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;
5°- considérant que plusieurs contrats réservent à l’opérateur le droit de modifier, sans information préalable, le contenu des services proposés au consommateur en lui laissant croire qu’il n’a pas la possibilité de résilier le contrat dans les conditions de l’article L 121-84 du code de la consommation ; que, maintenue dans les contrats, ces clauses présentent un caractère abusif ;
6°- considérant que plusieurs contrats, tout en prévoyant un accès aux services 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, réservent au professionnel le droit de restreindre le service à la seule réception des appels en cas de consommations payantes anormalement élevées ou d’interrompre automatiquement une communication téléphonique ou une session d’Internet au delà d’une certaine durée ; que de telles stipulations, en autorisant des interruptions de services qui ne seraient justifiées, ni par un manquement contractuel du consommateur, ni par la nécessité d’assurer un service d’urgence ou de répondre aux exigences de la défense nationale ou de la sécurité publique dans les conditions prévues par le code des postes et des communications électroniques, sont de nature à déséquilibrer de manière significative le contrat au détriment du consommateur ;
7°- considérant qu’il est parfois également stipulé que le professionnel se réserve le droit de supprimer les courriers stockés ou les adresses secondaires du consommateur en cas d’absence d’utilisation du service de messagerie électronique pendant une durée déterminée ; que de telles clauses qui permettent au professionnel de supprimer un service au consommateur, en l’absence de toute interruption de paiement de sa part, déséquilibrent gravement le contrat à son détriment ;
8°- considérant que certains contrats autorisent l’opérateur,  » sauf avis contraire  » du consommateur, à communiquer les coordonnées personnelles de ce dernier, notamment à des organismes commerciaux ; que ce type de stipulations présente un caractère abusif dans la mesure où celles-ci sont de nature à autoriser le professionnel à procéder à cette diffusion avec toutes les conséquences, éventuellement dommageables, qui en résultent, sans que le consommateur ait été mis en mesure d’exercer efficacement son droit d’opposition (loi, modifiée, n° 78-17 du 6 janvier 1978 sur l’informatique, les fichiers et les libertés, art. 38 ) ;
9°- considérant que plusieurs contrats prévoient que l’opérateur professionnel s’engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour permettre l’accès aux services ; que ces stipulations ont pour effet de diminuer de manière significative les droits du consommateur dans la mesure où la prestation de fourniture d’accès promise par le professionnel, qui fait appel à une technique aujourd’hui maîtrisée, présente le caractère d’une obligation de résultat dont il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère ; qu’elles revêtent ainsi un caractère abusif au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation ;
10°- considérant que certains contrats subordonnent la mise en œuvre de la responsabilité civile de l’opérateur, en ce qui concerne l’accès au service, à la preuve, par le consommateur, que les agissements du premier sont à l’origine du dommage ; que ce type de stipulation, qui contredit l’obligation de résultat pesant sur le professionnel en restreignant les hypothèses dans lesquelles il pourra être tenu pour responsable, est de nature à déséquilibrer gravement le contrat au détriment du consommateur ;
11°- considérant que les contrats prévoient des clauses exonératoires de la responsabilité du professionnel pour des causes diverses, telles que inaccessibilité au réseau Internet, perte de fichiers ou de données, toute défaillance ou altération dans la qualité du service consécutive à un événement indépendant ou extérieur, ou encore, échec du raccordement aux services audiovisuels, à l’accès à Internet ou aux services du téléphone quelle qu’en soit la cause ; que ces clauses déséquilibrent de manière significative le contrat au détriment du consommateur en ce qu’elles permettent au professionnel d’échapper aux conséquences de ses éventuels manquements contractuels alors même que ceux-ci, n’étant pas dus à une cause étrangère, lui seraient imputables ;
12°- considérant que plusieurs contrats, en considération de divers manquements imputables au professionnel, tels que des perturbations ou interruptions de services, établissent une limitation de sa responsabilité ; que de telles clauses sont de nature à déséquilibrer gravement la relation contractuelle au détriment du consommateur lorsque le principe de la réparation offerte à ce dernier est subordonné au manquement prolongé du professionnel, telle qu’une perturbation ou une interruption d’accès au service d’une durée supérieure à trois jours, ou lorsque le montant de la réparation stipulé peut être dérisoire ;
13°- considérant qu’il est aussi parfois stipulé que l’envoi du décodeur est effectué par l’opérateur aux risques et périls du consommateur quels que soient les modes de transport utilisés ; que cette stipulation présente un caractère abusif en ce que, dans un contrat non translatif de propriété, elle a pour effet d’inverser la règle du droit commun de la charge des risques en faisant notamment supporter au consommateur, en l’occurrence créancier de l’obligation inexécutée, les conséquences de la perte fortuite de la chose ;
14°- considérant que plusieurs contrats prévoient que,  » quelle que soit la cause  » de la détérioration des éléments fournis par le professionnel, le consommateur, en tant que gardien responsable, pourra être tenu d’indemniser le premier à concurrence du montant de la valeur de remplacement à neuf du matériel détérioré ; que ce type de clause est de nature à provoquer le déséquilibre significatif prévu à l’article L 132-1 du code de la consommation en ce qu’il permet au professionnel d’exiger le prix du remplacement alors même que la détérioration lui serait imputable; que l’abus est d’autant plus caractérisé que l’état de détérioration du matériel litigieux dépend contractuellement de la seule appréciation du professionnel ;
15°- considérant que certains contrats prévoient que les tarifs de la prestation de service sont accessibles sur le site Internet de l’opérateur, sur ses documentations commerciales ou encore dans ses points de vente ; que ces stipulations ne sont pas conformes aux dispositions de l’article L 121-83 du code de la consommation qui exige que le détail des tarifs pratiqués figure dans tout contrat souscrit par un consommateur avec un fournisseur de services de communications électroniques ; que, maintenues dans les contrats, ces clauses présentent un caractère abusif ;
16°- considérant qu’il est également stipulé que le décompte des sommes à payer effectué par l’opérateur fait la preuve des opérations réalisées par le consommateur ; que cette stipulation, qui laisse croire au consommateur que la preuve contraire n’est pas recevable en la matière, est de nature à créer le déséquilibre significatif énoncé à l’article L 132-1 du code de la consommation ;
17°- considérant que certains contrats stipulent qu’en cas de retard de paiement le consommateur devra acquitter des intérêts de retard forfaitairement déterminés à compter d’une lettre de relance, sans préjudice de tous dommages-intérêts ; que ce type de clause déséquilibre le contrat de manière significative au détriment du consommateur, d’une part, en prévoyant une double sanction pécuniaire au manquement contractuel de ce dernier et, d’autre part, en omettant de prévoir la moindre pénalité contractuelle à la charge du professionnel pour le cas où ce dernier n’exécuterait pas ses obligations contractuelles ;
18°- considérant qu’il est parfois stipulé que la résiliation du contrat à l’initiative de l’opérateur s’effectuera moyennant un préavis d’un mois à compter de l’envoi d’un courrier électronique au consommateur, alors que la résiliation à l’initiative de ce dernier ne peut intervenir, à l’expiration du même délai, qu’à compter de la réception par le professionnel d’une lettre recommandée ; que cette absence de réciprocité dans les modalités de résiliation du contrat est de nature à créer le déséquilibre significatif prévu à l’article L 132-1 du code de la consommation ;
19°- considérant que certains contrats prévoient que la demande de résiliation du consommateur doit être reçue par le professionnel avant le quinze du mois en cours pour une résiliation effective au dernier jour dudit mois et, qu’à défaut, celle-ci n’interviendra qu’au dernier jour du mois suivant ; que ces stipulations sont manifestement déséquilibrées au détriment du consommateur en ce qu’ elles sont dépourvues de réciprocité en cas de résiliation à l’initiative du professionnel ;

Recommande que soient éliminées des contrats de fourniture d’accès aux services de l’Internet, du téléphone et de la télévision les clauses ayant pour objet ou pour effet :

1° d’obliger le consommateur, sous la menace de sanctions contractuelles, à respecter un code de bonne conduite sans qu’il en ait accepté les termes ;
2°- de dispenser le professionnel de son obligation d’information et de conseil relativement à la compatibilité et à l’installation des équipements permettant l’accès du consommateur aux services à lui proposés ;
3° d’exonérer le professionnel de sa responsabilité dans tous les cas d’impossibilité d’accès du consommateur aux services proposés ;
4° de permettre au professionnel de modifier unilatéralement les conditions techniques et financières de la fourniture du service au consommateur sans prévoir la possibilité pour ce dernier de résilier le contrat sans pénalité ;
5° de réserver au professionnel la faculté de modifier de manière discrétionnaire le contenu du service offert au consommateur, en contravention avec les dispositions de l’article L 121-84 du code de la consommation ;
6° de réserver au professionnel le droit d’interrompre ou de restreindre l’accès au service, pourtant stipulé permanent ou illimité, alors même que cette interruption ne serait justifiée ni par les manquements contractuels du consommateur ni par des prescriptions légales impératives ;
7° d’autoriser le professionnel, indépendamment de tout manquement contractuel du consommateur, à supprimer les courriers stockés de ce dernier en cas d’absence d’utilisation prolongée de sa part ;
8° d’autoriser le professionnel à communiquer à des fins commerciales les données personnelles du consommateur sans avoir mis ce dernier en mesure de s’y opposer efficacement ;
9° de limiter à une simple obligation de moyens l’obligation de fourniture d’accès du professionnel ;
10° de faire dépendre la responsabilité du professionnel, en ce qui concerne l’accès au service, de la preuve, par le consommateur, que les agissements du premier sont à l’origine du dommage ;
11° de permettre au professionnel de s’exonérer de toute responsabilité indépendamment de la survenance d’une cause étrangère ;
12° de soumettre le droit à réparation du consommateur au caractère prolongé du manquement du professionnel à ses obligations ou de limiter cette réparation à un montant dérisoire ;
13° de faire supporter au consommateur, à l’occasion de l’envoi du modem ou du décodeur, le risque de leur perte fortuite ;
14° de permettre au professionnel d’exiger du consommateur, en cas de détérioration, quelle qu’en soit la cause, du matériel d’équipement à lui confié, sa valeur de remplacement ;
15° de dispenser le professionnel de l’obligation de faire figurer le détail des tarifs pratiqués dans le contrat conclu avec le consommateur ;
16° de laisser croire au consommateur que le décompte établi par le professionnel constitue le seul mode de preuve possible des opérations accomplies ;
17° de prévoir des sanctions pécuniaires à l’encontre du consommateur en cas de retard de paiement de sa part, sans réciprocité dans le cas où le professionnel n’exécuterait pas ses propres obligations contractuelles ;
18° d’imposer au consommateur des modalités de résiliation du contrat plus contraignantes que celles incombant au professionnel ;
19° de retarder le moment de la résiliation effective du contrat quand celle-ci intervient à l’initiative du consommateur, sans réciprocité lorsqu’elle a lieu à l’initiative du professionnel.
Recommandation adoptée le 15 février 2007 sur le rapport de M. Gilles Paisant

Voir également :

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur des communications électroniques