Recommandation N°95-01
Abonnement autoroutier

BOCCRF du 18/05/1995

La Commission des clauses abusives,

Vu les articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995;

Vu le code civil;

Vu l’article 48 du nouveau code de procédure civile;

Vu la loi du 18 avril 1955 portant statut des autoroutes;

Vu le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers;

Entendu les représentants des sociétés d’autoroute à péage;

Considérant que l’utilisation du réseau autoroutier concédé peut être soumise au paiement d’un péage dont les modalités sont, pour l’essentiel, définies par le décret n° 95-81 du 24 janvier 1995 susvisé et par les conventions particulières de concession qui font l’objet d’un décret d’approbation pris en Conseil d’État;

Considérant que les règles ainsi définies réglementairement ou contractuellement prévoient la possibilité pour les concessionnaires de proposer aux usagers des cartes d’abonnement permettant l’octroi de conditions préférentielles ; que cette possibilité n’est soumise qu’à la condition de l’égalité de traitement des catégories d’usagers auxquelles sont proposés ces abonnements;

Considérant que, dans le but notamment de fidéliser les usagers, de faciliter l’accès aux postes à péage et de simplifier l’acquittement des droits, les concessionnaires ont progressivement mis en place des formules d’abonnement offrant différents services adaptés aux besoins des usagers ; que sont ainsi proposés des abonnements permettant notamment:

  • le paiement différé du péage avec, généralement, l’octroi d’une remise;
  • l’utilisation illimitée d’une section du réseau durant la période de validité contre le paiement d’une somme forfaitaire;
  • le règlement du péage au moyen d’une carte pré chargée et délivrée moyennant un tarif spécifique,

que ces formules, éventuellement combinées avec des abonnements limités à une utilisation quotidienne sur un trajet domicile – travail, peuvent être perfectionnées grâce à certaines options technologiques évitant à l’usager de devoir s’arrêter et présenter sa carte lors du passage au poste à péage;

Considérant que ces différentes catégories d’abonnements donnent lieu à l’établissement de contrats types habituellement proposés aux consommateurs ; que ces contrats organisent les relations entre les parties s’agissant, notamment, de la souscription, du fonctionnement, du renouvellement ou de la résiliation de l’abonnement ; que ces contrats prévoient en particulier un certain nombre de règles destinées à faire face à différents aléas tels qu’un dysfonctionnement des matériels, une détérioration de la carte d’abonnement ainsi que son utilisation abusive ou frauduleuse par l’abonné ou un tiers;

Considérant que l’examen des contrats habituellement proposés aux consommateurs a révélé l’existence de clauses apparaissait abusives au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation;

Considérant qu’il en va ainsi de la clause réservant à la société concessionnaire la faculté de ne pas donner suite à la souscription par le consommateur du contrat proposé lorsqu’une telle faculté n’est soumise à aucun motif légitime et adapté à la nature de ce contrat;

Considérant que les clauses prévoyant l’entrée en vigueur du contrat, non pas lors de la remise de la carte à l’abonné mais lors de l’acceptation du contrat par la société, ont pour effet de faire dépendre le bénéfice effectif du contrat de la seule diligence de la société;

Considérant que la faculté discrétionnaire que se réserve la société de retirer à tout moment la carte remise à l’abonné et dont elle demeure propriétaire a pour effet de lui permettre de suspendre à tout moment l’exécution du contrat ; qu’une telle clause ne peut être considérée comme légitime que dans la mesure où elle correspond à des objectifs clairement énoncés dans le contrat, tels que la nécessité de mettre fin à une situation de fraude, de retirer des cartes altérées ou contrefaites, ou de remplacer des cartes usagées ou incompatibles avec tel perfectionnement apporté au système;

Considérant que les clauses subordonnant la mise en opposition de la carte perdue ou volée à un formalisme particulier (lettre recommandée) ou prévoyant un délai d’invalidation excessivement long peuvent avoir pour effet de faire durablement supporter par l’abonné les conséquences d’une utilisation frauduleuse de la carte, alors que la société dispose des moyens techniques d’y mettre fin rapidement ; que l’abonné doit pouvoir recourir, sans autre formalisme, à une lettre simple, un télex et, sous réserve de confirmation écrite, à une télécopie, pour obtenir la mise en opposition de sa carte dans un délai raisonnable qui ne devrait pas excéder trois jours;

Considérant que si les nécessités d’une bonne gestion justifient que les réclamations faites par les abonnés auprès de la société sur les éléments de facture ne puissent l’être que pendant un délai déterminé, sont abusives les clauses qui laisseraient croire au consommateur que tout recours contentieux sur ces éléments est soumis au même délai;

Considérant qu’en présence d’un contrat renouvelable par tacite reconduction, l’abonné ne doit pas être soumis, pour dénoncer le contrat à la date prévue, à un formalisme particulier tel que l’utilisation d’un formulaire spécial établi par la société;

Considérant que la résiliation du contrat par la société ne peut être soumise à des conditions, notamment de délai, plus strictes pour l’abonné que pour la société;

Considérant que les clauses permettant à la société de résilier le contrat sans que soit mise à sa charge l’obligation de restituer l’avance sur consommation ou, pro rata temporis, le montant forfaitaire de la carte, ont pour effet de lui attribuer une rémunération sans contrepartie ; qu’elles sont abusives, sauf mise en jeu d’une clause pénale justifiée par un manquement de l’abonné à ses obligations contractuelles;

Considérant que les contrats d’abonnement étant proposés indistinctement à des personnes ayant ou n’ayant pas la qualité de commerçant, ils ne peuvent contenir de clause attributive de compétence s’appliquant aux consommateurs ou non-professionnels,

Recommande:

Que soient éliminées des contrats d’abonnement autoroutier conclus entre les sociétés concessionnaires et les consommateurs ou non-professionnels les clauses ayant pour objet ou pour effet:

1° De réserver à la société concessionnaire la faculté de ne pas donner suite à la souscription d’un abonnement, lorsque cette faculté n’est soumise à aucun motif légitime et adapté à la nature du contrat;

2° De prévoir une date de prise d’effet du contrat antérieure à la remise effective de la carte à l’abonné;

3° De réserver à la société concessionnaire la faculté de retirer à tout moment la carte à l’abonné, lorsque cette faculté n’est soumise à aucun motif légitime et adapté;

4° De subordonner la mise en opposition d’une carte perdue ou volée à un formalisme particulier et de prévoir un délai d’invalidation excédant trois jours à compter de la mise en opposition effectuée par lettre simple, télex ou, sous réserve de confirmation écrite, télécopie;

5° De prévoir un délai de réclamation sur les éléments de la facture, en laissant croire que tout recours contentieux serait enfermé dans le même délai;

6° De soumettre la dénonciation du contrat par l’abonné, à l’échéance, à un formalisme particulier tel que l’utilisation d’un formulaire spécial établi par la société;

7° De soumettre la faculté de résiliation du contrat à des conditions plus strictes pour l’abonné que pour la société;

8° De permettre à la société de résilier l’abonnement avant l’échéance sans mettre à sa charge l’obligation de restituer à l’abonné le solde non utilisé d’une avance sur consommation ou, à due concurrence de la durée du contrat restant à courir, le montant de l’abonnement forfaitaire, sauf mise en jeu éventuelle d’une clause pénale;

9° De déroger aux règles légales concernant la compétence des juridictions.

(Texte adopté le 17 mars 1995, sur le rapport de M. Dominique Ponsot.)