Le Tribunal de grande instance de Paris juge abusives des clauses des conditions générales de la « Société VEOLIA EAU Compagnie Générale des Eaux »

TGI de Paris, 20 juin 2017, VEOLIA EAU, N° RG : 14/09926

TGI de Paris, 20 juin 2017, VEOLIA EAU, N° RG : 14/09926 

ANALYSE : 

Actions en cessation – clause tarifaire – clause de modification unilatérale – clause suspensive – clause résolutoire – clause portant sur la définition des termes 

Sur une action en cessation intentée par la CLCV, le Tribunal relève un certain nombre de clauses illicites dont l’analyse du caractère illicite ne sera pas ici détaillée. Il s’agit de clauses contraires au code des assurances. Sur le lien entre clauses illicites et abusives : voir rapport annuel d’activité de la Commission pour l’année 2018 

Conformément à l’arrêt du 26 avril 2017 (Cass. Civ. 1ère, 26 avr. 2017, n° 15-18.970), le Tribunal déclare recevables les demandes de l’association CLCV relatives aux conditions contractuelles qui ne sont plus applicables aux contrats conclus souscrits après le 30 octobre 2014  dès lors que des contrats soumis  à ces conditions contractuelles et susceptibles, en conséquence, de comporter des clauses abusives, peuvent avoir été avoir été conclus avant cette date. Il importe donc peu queles contrats ne soient plus en cours. 

Le Tribunal répute non écrites des clauses jugées abusives sur le fondement de l’article L. 212-1 du code de la consommation. 

CLAUSE RELATIVE A LA FORCE MAJEURE  

La clause de définition de la force majeure des Contrats d’Assistance Réparations Fuites version du 15 mai 2013 Contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Electrique version du 1er juin 2013, Contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus version du 25 septembre 2013, Contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison version du 15 mai 2013, est ainsi libellée : 

Contenu de la clause : « DEFINITIONS 

[…]
Force Majeure : un cas dit de Force Majeure est un événement imprévisible auquel on ne peut faire face tel que défini par la jurisprudence française. Sont par exemple considérés comme relevant de la Force Majeure les cas de guerres civiles ou étrangère ; les effets directs ou indirects des risques atomiques ; les dommages subis à la suite de grèves, émeutes, mouvements populaires ; les actes de représailles ; les actes de sabotages et/ou de terrorisme ; les cas de tempêtes ou ouragans, les inondations, les tremblements de terre, les cas d’affaissement ou de glissement du sol ; les dommages subis par votre Domicile à la suite d’un accident relevant d’un état de catastrophe technologique conformément à la loi du 30 juillet 2003, d’incendie ou explosion affectant votre Domicile, de restriction à la libre circulation, de dégagement de chaleur, d’irradiation ou d’effet de souffle provenant de la fission ou de la fusion de l’atome, de radioactivité ».  

Analyse de la clause de définition de la force majeure : « Cependant, c’est à juste titre que la demanderesse soutient que la clause est abusive en ce que d’une part, elle se réfère à des événements qui ne revêtent pas nécessairement les caractères de la force majeure tels la grève ou la restriction à la libre circulation et qui ne sont susceptibles de profiter qu’à l’assureur et en ce que d’autre part, la notion de « restriction à la libre circulation » relève de l’interprétation unilatérale du professionnel ; qu’elle crée donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur. »  

Le tribunal observe cependant que sans les nouvelles conditions contractuelles, la force majeure est désormais définie comme “un évènement imprévisible auquel on ne peut faire face tel que défini par la jurisprudence française”, ce qui est exempt de critiques. 

CLAUSE DE DÉCHÉANCE DE LA GARANTIE  

Les clauses 3.2 d) et 3.3 du contrat d’Assistance Réparations Fuites et du contrat d’Assistance Réparations Fuites et installation Electrique, 3.3 e) et 3.4 du contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus, et 3.2 f) et 3.3 du contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison applicables avant le 30 octobre 2014, sont ainsi libellées : 

Contenu des clauses : « 3.2. Que faire en cas de sinistre ? 

  1. d) Sanction: Si Vous ne vous conformez pas aux obligations prévues aux paragraphes ci-dessus sauf cas fortuit ou de Force Majeure, Nous pourrons prétendre à une déchéance de vos droits, à une indemnité proportionnée au préjudice que ce manquement aura pu Nous causer. Si, de mauvaise foi, Vous faites de fausses déclarations, Vous Nous produisez de fausses pièces, Vous ne Nous déclarez pas l’existence d’autres assurances pouvant garantir le même risque, Vous employez comme justification des documents inexacts ou incomplets, ou encore, usez de moyens frauduleux, Vous serez entièrement déchu de tout droit à indemnité ». 

3.3. Perte des garanties  

Le non-respect des obligations édictées dans le présent Contrat entraîne la perte de vos garanties.  

(Il sera précisé que dans le contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus, ces articles sont numérotés 3.3 e) et 3.4 et dans le contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison, 3.2 f) et 3.3. ») ». 

Analyse des clauses 3.2 d) et 3.3 : « Il ne ressort nullement de sa rédaction (de la clause 3.2 d)) que seule l’absence totale de coopération de l’assuré sera sanctionnée et elle permet donc à l’assureur de se dégager de son obligation de garantie dans des conditions excessives. Elle manque également de clarté et de précision quant au caractère cumulatif ou alternatif des sanctions prévues. Il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et la clause sera par conséquent déclarée abusive.  

Quant à la clause 3.3 (ou 3.4), elle est formulée en des termes beaucoup trop généraux tant pour ce qui concerne les obligations dont le non-respect est sanctionné que pour ce qui concerne la sanction encourue. Elle est par conséquent elle est aussi de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et sera déclarée abusive. » 

CLAUSE RELATIVE A LA DATE DE SOUSCRIPTION Les clauses 4.1 et 4.2 des Contrat d’Assistance Réparations, Contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Electrique, Contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus, Contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison applicables avant le 30 octobre 2014, sont ainsi libellées : 

Contenu de la clause : « 4.1. Date de la souscription : correspond à la date d’enregistrement de votre demande de souscription par Doméo. 4.2. Date d’effet : correspond soit à la Date de la souscription soit à une date différée en cas d’offre spéciale. Votre Contrat débute à partir de cette Date d’effet sous réserve de l’encaissement effectif de votre première prime ou fraction de prime ».  

Analyse des clauses 4.1 et 4.2 : « en cas de souscription du contrat par courrier, la date de souscription n’est pas le jour de l’envoi par le consommateur du courrier de souscription mais la date d’enregistrement de la demande par la société DOMEO, date que celle-ci peut fixer librement. La date d’effet et le point de départ du délai de renonciation étant définis par référence à la date de souscription, la société DOMEO est également libre de les fixer. Les clauses 4.1 et 4.2 créent donc un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et seront déclarées abusives. » 

CLAUSE RELATIVE AU PRÉDIAGNOSTIC ET AUDÉCOMPTE DES DÉPLACEMENTS DU RÉPARATEUR AGRÉÉ  

Le dernier paragraphe des clauses 2.4 du contrat d’Assistance Réparations Fuites, du contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison et 2.4.2 du contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus et du contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Électrique applicables avant le 30 octobre 2014, sont ainsi libellés : 

Contenu de la clause : « 2.4. (2.4.2 pour le contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus et le contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Electrique) Quelles sont les plafonds de couverture ?  

[…] 

Si, suite à une demande d’Intervention de votre part, nous mandatons un Prestataire agréé et que l’objet de son déplacement se révèle ne pas être un Elément Couvert par le Contrat, alors ce déplacement injustifié sera décompté du nombre d’Interventions du Contrat ».  

Analyse des clauses 2.4 et 2.4.2 : « C’est à juste titre que l’association CLCV soutient que l’application combinée des deux clauses précitées est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur dès lors que la clause 2.4 n’est pas limitée aux hypothèses de déclarations mensongères ou inexactes de l’assuré et ne précise pas qu’en cas d’erreur de la personne chargée du pré-diagnostic, celui-ci dispose d’un recours afin de demander que le déplacement ne soit pas décompté du nombre de déplacements contractuellement pris en charge, l’existence de la clause 5.5 étant à cet égard insuffisante. » 

Le tribunal observe que la rédaction des clauses a  été  modifiée dans les nouvelles conditions contractuelles et n’est plus critiquée. 

CLAUSE DE- RÉSILIATION  

La clause 4.8.2 des Contrats d’Assistance Réparations Fuites,
Contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Electrique, Contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus, Contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison, est ainsi libellée : 

Contenu de la clause : « 4.8.2. Quels sont les cas de résiliation anticipée ?
Les présentes garanties pourront être résiliées en dehors de la Date d’échéance dans les cas suivants :
a) Par Nous ou Vous : en cas de changement de Domicile affectant les risques garantis (notamment déménagement dans une zone non couverte, déménagement en appartement, etc.), la résiliation doit être demandée dans un délai de 3 mois suivant la date de l’événement et accompagnée des pièces justifiant que le risque ne se retrouve pas dans la situation nouvelle. La résiliation prend effet un mois après notification à l’autre partie.  

  1. b) Par l’héritier ou Nous : en cas de décès du souscripteur, la demande de résiliation doit être accompagnée des pièces justifiant du décès ou de la qualité d’héritier. 
  2. c) Par Nous : en cas d’aggravation du risque ; en cas d’omission ou d’inexactitude dans la déclaration des risques à la souscription ou en cours de Contrat ; après Sinistre dans un délai d’un mois. 
  3. d) Par Vous lorsque Nous Vous communiquons l’avis de modification Vous informant du changement de notre Assureur ou si Nous avons résilié un de vos autres Contrats après un Sinistre, Vous disposez d’un délai d’un mois suivant la réception de cette notification pour dénoncer ce présent
  4. e) De plein droit : en cas de disparition du risque couvert ; en cas de retrait de notre agrément administratif en cas de réquisition de propriété concernant tout ou partie de votre Domicile dans les cas et conditions prévus par la législation en vigueur, sur présentation des pièces justificatives. »

Analyse de la clause 4.8.2 : « Cependant, dès lors que l’article 4.8.2 traite des cas de résiliation anticipée et que le consommateur doit bénéficier d’une information complète sur l’étendue de ses droits, l’article ne pouvait mentionner les conséquences d’une aggravation du risque sans également préciser les conséquences d’une diminution du risque. En l’absence de cette mention, il créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur et doit par conséquent être déclaré abusif. » 

CLAUSE DE MODIFICATION UNILATERALE DU CONTRAT  

La clause 4.10 des Contrat d’Assistance Réparations Fuites, Contrat d’Assistance Réparations Fuites et Installation Electrique, Contrat d’Assurance et d’Assistance Réparations Fuites Plus, Contrat d’Assurance et d’Assistance Plomberie Intégrale Maison, est ainsi libellée : 

Contenu de la clause : « 4.10. Modification du Contrat 

Nous Vous informerons par lettre simple de toute modification du Contrat. Sans opposition de votre part à ces modifications sous 30 jours, celles-ci seront réputées acceptées par Vous et seront dès lors applicables ».  

Analyse de la clause 4.10 : « Certes, l’article précité prévoit expressément que le consommateur peut s’opposer à la modification du contrat et que ce n’est qu’à défaut d’opposition que celle-ci prendra effet. Cependant, la possibilité pour l’assureur d’effectuer toute modification, de n’en informer l’assuré que par lettre simple et le délai très bref laissé à l’assuré pour manifester son opposition sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur».