Avis N°05-02
Compte personnel (clause de résiliation)

 Pour consulter le jugement du tribunal

La Commission des clauses abusives,

Vu les articles L.132-1 et R.132-6 du code de la consommation,

Vu la demande d’avis présentée par le tribunal d’instance de Bourganeuf par jugement en date du 5 janvier 2005, dans l’instance opposant la société F… à Monsieur B… et à Madame C… , son épouse, Vu les articles L.311-1 à L.311-37 et L.313-16 du code de la consommation,

Considérant qu’il résulte du jugement et des pièces jointes que suivant offre préalable acceptée le 5 mai 1999, la société F… a consenti aux époux B… – C…  un prêt personnel dit “XXX”, d’un montant de 20 000 francs remboursable en 55 mensualités, au taux effectif global de 11,04 % ; que dans l’instance engagée par le prêteur en remboursement des sommes dues à la suite de la défaillance des emprunteurs, a été relevé d’office le caractère éventuellement abusif de la clause de résiliation stipulée à l’article 6 des conditions générales du contrat ;

Considérant que la clause litigieuse est ainsi libellée:

a)F… exigera le remboursement immédiat et en totalité du prêt de plein droit, sans mise en demeure préalable, dans les cas suivants:

-non respect des obligations résultant du présent contrat,

-défaut de remboursement d’une seule des mensualités prévues,

-votre inscription dans un fichier d’incidents de paiement.

b) F… pourra exiger le remboursement immédiat et en totalité du prêt, en vous en informant préalablement, dans les cas suivants : -si vous vous rendez responsable d’impayés, de protêts et de toutes formes de poursuites, ou si vous encourez la résiliation d’un autre crédit consenti par F…,

-si les justifications, renseignements et déclarations fournis sont incorrects, ou si vous vous rendez coupable de toute manœuvre frauduleuse envers F…,

-si vous-même, ou le co-emprunteur, décédez, à moins que votre conjoint ou vos héritiers directs (ou un ou plusieurs d’entre eux), ne consentent, avec l’accord de F…, à poursuivre le présent contrat, dans les mêmes conditions que celles initialement convenues (sauf l’effet éventuel de l’assurance décès) ; 

Considérant qu’en sa première partie, la clause prévoit la résiliation de plein droit du crédit, sans mise en demeure préalable, soit pour des motifs tenant à l’exécution du contrat, soit pour des raisons extérieures à l’exécution de celui-ci ; que lorsque le débiteur n’est pas tenu d’exécuter une obligation à un moment convenu, la faculté donnée au créancier de résilier de plein droit le contrat sans mise en demeure préalable du débiteur confère au créancier, professionnel, une prérogative qui déséquilibre les droits et obligations des parties au détriment de l’emprunteur, consommateur ; qu’il en est d’autant plus ainsi lorsque, d’une part, l’obligation en cause revêt un caractère mineur dans l’exécution du contrat de prêt qui consiste, pour l’emprunteur, à le rembourser à bonne date, ou lorsque, d’autre part, le manquement susceptible de provoquer la résiliation du prêt personnel par le créancier est étranger à l’exécution du contrat lui-même, comme l’inscription sur un fichier d’incidents de paiement ; qu’à l’inverse, dans la mesure où le contrat prévoit le paiement des échéances à des dates connues à l’avance, la stipulation en cause ne présente pas un caractère abusif ;

Considérant qu’en sa seconde partie, si la clause, rédigée en conformité avec l’article L.311-30 du code de la consommation, prévoit que la résiliation pourra intervenir après information préalable, ce qui paraît laisser à l’emprunteur la possibilité de régulariser le manquement dénoncé, force est de constater que la clause permet au prêteur de résilier le contrat soit pour des faits étrangers à l’exécution du contrat, soit pour des manquements si généralement définis que la résiliation peut s’appliquer à des manquements véniels, ce qui déséquilibre significativement les obligations contractuelles au détriment de l’emprunteur, consommateur ; que, toutefois, en ce qu’elle permet au prêteur de résilier le contrat en cas de décès d’un emprunteur la clause, qui tient ainsi compte de ce que le crédit a été consenti en considération de la personne de l’emprunteur, n’apparaît pas de nature à entraîner de déséquilibre au détriment du consommateur ;

EST D’AVIS

1° que la clause de résiliation de plein droit du crédit sans information préalable est abusive en ce qu’elle peut jouer soit pour des obligations accessoires du contrat de crédit, soit pour des obligations dont la date d’exécution n’est pas contractuellement déterminée, soit pour des faits étrangers à l’exécution du prêt personnel,

2° que la clause de résiliation avec information préalable est abusive, en ce qu’elle peut jouer soit pour des faits étrangers à l’exécution du contrat de crédit, soit pour des manquements pouvant se rapporter à des informations sans incidence sur l’appréciation du risque de défaillance de l’emprunteur.

 

Délibéré et adopté par la Commission des clauses abusives en sa séance plénière du 24 février 2005 sur le rapport de M. Jean-Pierre Bouscharain.

 

Voir également :

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur financier