Recommandation N°95-02
Contrats proposés par les éditeurs ou distributeurs de logiciels ou progiciels destinés à l’utilisation sur micro-ordinateurs

BOCCRF du 28/08/1995

Vu le code de la consommation;

Vu le code civil;

Vu le code de la propriété intellectuelle;

Vu les recommandations n°s 80-06, 85-02 et 91-02 émises par la Commission des clauses abusives;

Entendu les représentants des professionnels concernés;

Considérant que les contrats relatifs à l’utilisation de logiciels (logiciels pris au sens commun de ce terme ou progiciels) utilisés sur micro-ordinateurs intéressent désormais un large public;

Considérant que ces contrats sont élaborés par les seuls professionnels et que l’utilisation de ces logiciels emporte généralement adhésion des consommateurs à leurs clauses ; qu’ils constituent ainsi des contrats habituellement proposés par des professionnels à des consommateurs;

Considérant que certains contrats comportent des clauses nombreuses souvent imprimées en caractère de taille sensiblement inférieure au corps 8 ; qu’ainsi ces contrats manquent de lisibilité et ne répondent pas aux prescriptions de l’article L. 133-2 du code de la consommation;

Considérant que des clauses stipulent que ne sont pas opposables au professionnel les différentes formes de publicités préalables et les informations données à l’occasion de la cession du support ; que ces clauses sont souvent complétées par la reconnaissance par le consommateur que  » le logiciel et la garantie limitée qui l’accompagne constituent l’accord intégral et exclusif qui lie les parties et remplacent toute offre ou accord antérieur, oral ou écrit, et toute autre communication entre les parties relative à l’objet de la licence ou de la garantie limitée  » ; que de telles clauses sont contraires à l’exigence de loyauté dans les relations contractuelles et sont abusives en ce qu’elles tendent à rendre inopposables au professionnel ses propres informations et méconnaissent l’obligation de renseignement;

Considérant que des contrats précisent souvent que le choix du logiciel le mieux adapté est l’affaire du client ; que certains ajoutent que le vendeur n’a aucune obligation de conseil quant à l’utilisation du logiciel choisi ; que, cependant, la commercialisation d’un bien ou d’un service d’une telle technicité fait peser de façon particulière sur le professionnel une obligation de conseil qui comporte une orientation du choix du consommateur ; que de telles clauses sont abusives en ce qu’elles méconnaissent cette obligation;

Considérant que les logiciels ne sont, le plus souvent, pas garantis ; que cette absence de garantie concerne aussi bien la qualité des supports que les qualités et caractéristiques de ces logiciels et les conséquences dommageables de leur fonctionnement ou dysfonctionnement ; qu’en outre la documentation est fournie dans l’état où elle se trouve, son emploi, son exactitude ne sont pas garantis et les frais de  » dépannage…, réparation…, correction…  » provoqués par les défauts de cette documentation sont à la charge du consommateur;

Considérant que, s’agissant des qualités des supports et des logiciels, cette absence de garantie ne peut se justifier par les seules contraintes techniques dès lors que certains éditeurs prévoient expressément une garantie des supports et/ou des logiciels, et notamment de leur bonne fabrication et conformité à leur documentation pour des durées variant de un mois à un an ; qu’en revanche certains professionnels s’exonèrent purement et simplement de toute obligation à l’égard de leurs clients non professionnels ; que le logiciel et la documentation devraient à tout le moins être conformes à un standard défini par le professionnel, pour une version donnée du logiciel, qui préciserait notamment les matériels et logiciels compatibles avec le produit mis à la disposition du consommateur, ainsi que procèdent habituellement les professionnels dans leurs documents publicitaires;

Considérant que la combinaison de clauses excluant toute garantie et de clauses limitatives de garantie est de nature à induire le consommateur en erreur sur l’étendue des droits que lui confère le contrat et par suite abusive;

Considérant que, dans la généralité des cas, toute garantie des dommages provoqués par le logiciel est expressément écartée ; que l’affirmation de l’absence totale de garantie revient pour le professionnel à s’exonérer de tous les régimes de responsabilité ; qu’une telle affirmation, répétée sur beaucoup des contrats relatifs aux logiciels commercialisés en France, aboutit à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur au sens des dispositions du code de la consommation ; qu’au demeurant la garantie des vices cachés s’appliquant à tout le moins à la vente des supports, la clause exonératoire est illégale en vertu des dispositions du décret n° 78-464 du 24 mars 1978;

Considérant que les clauses qui stipulent que  » le contrat reste en vigueur jusqu’à sa résiliation et sera annulé automatiquement sans préavis par le professionnel au cas où le détenteur ne se conforme pas aux termes de la licence « , sans préciser la nature et la gravité des manquements, tendent à donner au professionnel un droit unilatéral, voire discrétionnaire, de résiliation et sont abusives;

Considérant qu’est abusive, ainsi que l’a qualifiée la commission dans ses recommandations n°s 80-06, 85-02 et 91-02, et illégale dans les conditions prévues par l’article L. 114-1 du code de la consommation la clause qui a pour objet ou pour effet de stipuler que la date de livraison de la chose ou de l’exécution du service est donnée à titre indicatif et qui interdit au consommateur de demander des dommages et intérêts en cas de retard dans la livraison;

Considérant que certains contrats attribuent compétence au seul tribunal de commerce de Paris ou aux seuls tribunaux de Paris ; que la jurisprudence autorise cependant le non-commerçant à exercer son action devant la juridiction civile ou devant le tribunal de commerce ; qu’en outre les clauses qui dérogent aux règles de compétence territoriale sont contraires aux dispositions impératives de l’article 48 du nouveau code de procédure civile ; qu’en conséquence de telles clauses doivent être éliminées des contrats,

Recommande:

Que les documents contractuels soient imprimés avec des caractères dont la hauteur ne saurait être inférieure au corps 8;

Que soient éliminées des contrats objets de la présente recommandation les clauses qui ont pour objet ou pour effet:

1° De rendre inopposables à leur auteur les publicités et autres communications faites par les distributeurs de logiciels;

2° D’exonérer le professionnel de son obligation de conseil;

3° D’exclure toute garantie du professionnel afférente au logiciel, à son support et de l’exonérer de toutes les conséquences des défauts de la documentation fournie lors de la mise à disposition du logiciel;

4° D’induire en erreur le consommateur en combinant des stipulations qui excluent toute garantie avec des clauses limitatives de garantie;

5° D’exonérer le professionnel de toute responsabilité du fait des conséquences dommageables de l’utilisation des logiciels qu’il commercialise;

6° De stipuler une date de livraison ou d’exécution indicative;

7° De reconnaître, directement ou indirectement, au professionnel un droit de résiliation unilatéral ne reposant pas sur un manquement grave au contrat;

8° De déroger aux règles de compétence territoriale ou d’attribution des juridictions.

(Texte adopté le 7 avril 1995 sur le rapport de M. Jean-Pierre Looten.).